En Belgique, une nouvelle batterie Powerwall de Tesla est vendue tous les trois jours. C’est ce qui ressort des chiffres publiés par le fournisseur d’énergie Eneco, qui distribue ces batteries domestiques dans le Benelux. Bien qu’elle puisse aussi servir à stocker l’électricité du réseau électrique classique (durant les heures creuses), cette batterie intéresse surtout les propriétaires de panneaux solaires car elle leur permet d’utiliser à tout moment l’énergie produite depuis leur toit.
"Cette batterie permet de moins solliciter le réseau électrique et de conserver littéralement l’énergie que vous avez produite."
"Les panneaux solaires produisent de l’énergie en journée, mais c’est le soir que vous en consommez le plus", selon les explications de Christophe Degrez, CEO d’Eneco. "Cela signifie que votre compteur tourne à l’envers pendant la journée, mais que le soir, vous devez puiser votre énergie dans le réseau. La batterie à domicile vous permet de moins solliciter le réseau électrique et de conserver littéralement l’énergie que vous avez produite. Et c’est cette idée qui convainc la plupart de nos acheteurs."
Cette batterie au lithium-ion est donc un moyen pour les propriétaires de panneaux solaires de gérer leur énergie efficacement et surtout durablement. Mais elle ne permet pas pour autant de s’affranchir complètement du réseau électrique.
Combien ça coûte?
Contrairement à d’autres batteries domestiques, la Powerwall – qui s’accroche simplement sur un mur – est entièrement automatisée, relativement simple à utiliser et ne demande aucun entretien.
Qui a déjà investi?
Si acquérir une batterie Tesla n’est pas encore un investissement rentable pour tous (à défaut d’être équipé d’un compteur double flux par exemple) qui sont ceux qui ont déjà craqué pour cette technologie? "La rentabilité n’est effectivement pas toujours le premier facteur de décision", répond Mark Van Hamme. "Pour certaines personnes, acquérir une telle batterie correspond à un mode de vie et de pensée plus durable. D’autres sont carrément des fans de la marque. Par exemple, ils possèdent une voiture Tesla S et ont même donné ce nom à leur animal domestique. Comme Apple, c’est une marque qui a ses fans malgré un coût élevé. Un de nos clients l’a même installée dans son hall d’entrée tellement il apprécie le design de l’objet."
Elle bénéficie d’une garantie de 10 ans, ce qui correspond plus ou moins à sa durée de vie en considérant une charge et une décharge par jour. Selon Tesla, sa capacité de stockage énergétique est de 6,4 kilowatt-heure (NDLR, il existe déjà une seconde version de cette batterie avec une capacité de 14 kWh). Pour rappel, le kWh est une unité de quantité d’énergie correspondant à celle consommée par un appareil de 1.000 watts (soit 1 kW) de puissance pendant une durée d’une heure.
"Le prix total pour une Powerwall de Tesla entièrement fonctionnelle sans travail supplémentaire varie entre 5.900 et 7.700 euros en fonction de la situation personnelle de chacun, selon Mark Van Hamme, porte-parole d’Eneco. Par exemple, si votre habitation a plus de 10 ans, vous bénéficiez d’une TVA à 6%. Le prix variera aussi en fonction de l’installation. C’est-à-dire si on peut se contenter de celle existante et s’il n’y a pas lieu d’effectuer des adaptations."
Un investissement rentable?
"Pas du tout", répond sans aucune hésitation Damien Ernst, professeur à l’ULg, spécialisé dans les systèmes électriques. Sans entrer dans les détails, ce type d’installation n’est en effet jamais rentable si elle est associée à un compteur qui tourne à l’envers pendant la production d’électricité. "En Wallonie, ça n’aura d’ailleurs aucun intérêt avant au moins le 1er janvier 2019 car il n’y a actuellement aucun mécanisme de valorisation des batteries", a-t-il ajouté.
Damien Ernst fait référence à la nouvelle structure du tarif de distribution qui devrait s’appliquer à tous les consommateurs d’électricité wallonne. Les propriétaires de panneaux solaires paieront le tarif de distribution pour les parties non autoconsommées de leur électricité, ce qu’ils évitaient jusqu’ici.
Si les propriétaires de panneaux photovoltaïques ne possèdent pas un compteur double flux (aussi appelé compteur bidirectionnel) qui leur permet de mesurer la partie non autoconsommée, ces frais de distribution s’appliqueront sur un taux forfaitaire de 63% de l’électricité produite par ces panneaux. En effet, la Cwape (le régulateur wallon du marché de l’énergie) estime qu’en moyenne seulement 37% de l’électricité produite par des panneaux photovoltaïques est autoconsommée.
"D’un point de vue financier, on arrivera à une taxe déguisée sur le photovoltaïque de l’ordre de 400 euros (TVA comprise) pour une installation standard et un prix moyen du tarif de distribution, selon le professeur Damien Ernst. Pour les grosses installations photovoltaïques domestiques, situées dans des zones où les tarifs de distribution sont particulièrement élevés, par exemple dans la région de Verviers, on peut arriver à un montant de 1.000 euros par an."
Les propriétaires bruxellois de panneaux photovoltaïques à Bruxelles ne seront pas mieux lotis car à partir de 2018, ils seront soumis à ce régime-là, ajoute Damien Ernst.
"D’ici 2 ans, on arrivera enfin à une régulation qui favorise un peu l’autoconsommation de l’électricité produite par des panneaux solaires."
C’est donc uniquement dans le cas de l’installation d’un compteur bidirectionnel (couplé à un système de régulation qui favorise l’autoconsommation) que le placement d’une batterie domestique pourra commencer à devenir intéressant. C’est d’ailleurs ce que soutient Eneco depuis le début de la distribution des Powerwall. "Associée au compteur bidirectionnel, la batterie Tesla permet d’optimaliser votre consommation et d’éviter de devoir contribuer financièrement à l’utilisation du réseau", a expliqué Christophe Degrez.
Ceci dit, "il n’est même pas certain qu’en 2018 (pour les Bruxellois) ou 2019 (pour les Wallons), l’installation d’une batterie domestique soit rentable", ajoute Damien Ernst. "En effet, de la même manière qu’il était possible d’anticiper une taxe sur les panneaux photovoltaïques il y a environ 3 ou 4 ans, on peut déjà anticiper aujourd’hui une taxe, déguisée ou non, sur ces batteries quand leur déploiement deviendra massif. Sans cela, il sera impossible de financer les réseaux de distribution", conclut l’expert.
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