Même si ce projet est encore loin d'être une réalité, le chemin semble tout tracé. Nous avons analysé trois évolutions récentes qui plaident en faveur de cette hypothèse.
1/ Élargissement de l'exonération fiscale
Aujourd'hui, les intérêts des comptes d'épargne sont exonérés du précompte mobilier à concurrence de 1.900 euros par an. L'idée circule depuis longtemps de l'élargir à d'autres produits financiers comme les actions et les obligations. Cette idée se trouverait à nouveau sur la table des négociations de la coalition suédoise. L'objectif serait de mobiliser davantage d'argent en faveur de notre économie.
Cet élargissement aurait des effets secondaires importants : pour être en mesure de contrôler si le seuil des 1.900 euros est ou non dépassé - grâce notamment aux revenus de divers produits (souvent détenus auprès de banques différentes) - le fisc devra connaître l'ensemble des revenus mobiliers des contribuables. Et donc, une déclaration (partielle) de ces revenus s'imposerait.
Une idée, qui se base sur le "plan Geens" de la fin de l'an dernier, consisterait à ne rien changer en matière de comptes d'épargne, et de ne faire bénéficier les épargnants de l'exonération sur les autres produits financiers que s'ils déclarent ces revenus sur leur fiche fiscale. Les banques ne retiendraient plus aucun précompte à la source sur les intérêts des comptes d'épargne (jusqu'à 1.900 euros) et continueraient à le retenir sur les autres produits, comme c'est le cas actuellement. Les épargnants pourraient récupérer le précompte mobilier payé sur ces autres produits via leur déclaration fiscale. Ils devraient donc déclarer ces revenus. En même temps, les contribuables devraient déclarer sur l'honneur que les revenus non déclarés de leur compte d'épargne, combinés aux revenus mobiliers déclarés, ne dépassent pas le seuil de 1.900 euros.
Une autre idée, proposée aux formateurs par Febelfin, la fédération des banques, consiste à réduire de 50% le seuil de 1.900 euros du compte d'épargne. Rien ne changerait pour les comptes d'épargne, si ce n'est que la moitié seulement des intérêts serait exonérée. Les 950 euros restants seraient réservés à l'exonération des autres produits financiers comme les actions et les obligations. Ici aussi, cela signifierait que les épargnants devraient déclarer les revenus mobiliers des autres produits pour pouvoir récupérer le précompte.
Pouvons-nous dire que ces projets sont déjà une forme élaborée de cadastre des fortunes? Pas vraiment. Tout d'abord, les épargnants ne seront pas obligés de déclarer leurs revenus. Ils ne devront le faire que s'ils souhaitent récupérer le précompte mobilier. Ensuite, cette déclaration ne porterait que sur une partie des revenus mobiliers. Dans ce scénario, les intérêts des comptes d'épargne ne devraient pas être déclarés s'ils ne dépassent pas le seuil fixé. Malgré ces nuances, ces projets semblent aller dans le sens de la suppression du précompte mobilier libératoire. Ceux qui ne veulent pas payer trop de précompte, devront donc déclarer une partie de leurs revenus mobiliers.
2/ Registre central des comptes bancaires
Depuis le mois de mai, le fisc peut avoir recours à une banque de données qui comprend le relevé des comptes bancaires des contribuables belges, et qui est gérée par la Banque Nationale de Belgique. Les informations sont fournies par les banques belges. Cette banque de données est encore loin de ressembler à un cadastre des fortunes, puisque le fichier ne contient que les noms et les numéros de compte de tous les Belges. Il ne comprend aucune information sur le solde des comptes et les intérêts perçus. Mais ici aussi, on peut imaginer que cette banque de données trace la route vers un cadastre des fortunes.
3/ Échange d'informations au niveau international
La plus grande "menace" viendra peut-être de l'étranger. Dans la lutte contre la fraude fiscale, les pays sont de plus en plus nombreux à signer des accords sur l'échange d'informations. Ces prochaines années, de plus en plus de données seront échangées entre les États, tant au niveau européen que de l'OCDE. Le risque est donc réel que la loi américaine "Fatca" s'applique également en Europe. Cette loi oblige les pays signataires à informer les États-Unis sur tous les revenus et les soldes des comptes détenus à l'étranger par les contribuables américains. Le problème de ces règles, c'est qu'elles créent de la discrimination. Car pourquoi n'échangerait-on que des informations sur les étrangers en Belgique et les Belges à l'étranger, et pas sur les Belges en Belgique? Certains fiscalistes pensent que tôt ou tard, cette discrimination sera dénoncée, ce qui ouvrira la porte à la mise en place d'un registre national comprenant les soldes des comptes.
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Actuellement, la création d'un cadastre des fortunes n'est pas à l'ordre du jour, mais notre analyse démontre que de plus en plus de règles vont dans ce sens. L'avenir nous dira si ce cadastre a des chances de voir le jour.