Pas de contrat de travail fixe? Alors vous ne pourrez sans doute pas louer de logement. C'est devenu une réalité courante pour un nombre croissant de citoyens en quête d'un logement. De nombreux bailleurs considèrent un contrat de travail fixe comme le critère primordial pour donner leur bien en location. Le quotidien De Standaard l'annonce: l'an dernier, le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme a reçu 133 plaintes de locataires sur le droit au logement. Pour la première fois, la discrimination serait basée sur le patrimoine financier et non sur la nationalité.
"Les bailleurs ont tout à fait le droit de contrôler si un futur locataire est suffisament solvable pour payer le loyer. Mais ils ne peuvent pas refuser des candidats locataires uniquement car ils n'ont pas un certain type de contrat de travail", déclare le directeur du Centre, Jozef De Witte. "Celui qui travaille depuis des années sous contrat d'intérimaire peut aussi avoir suffisamment de moyens pour payer le loyer. Le refuser sous prétexte qu'il ne dispose pas d'un contrat de travail fixe, c'est de la discrimination." La même remarque vaut pour les banques. Car une banque qui refuse d'octroyer un emprunt hypothécaire à une personne uniquement parce qu'elle n'a pas de contrat de travail à durée indéterminée se rend aussi coupable de discrimination.
Mais alors, jusqu'à quel point pouvez-vous vous montrer strict sur les critères de sélection d’un nouveau locataire? La loi est très claire: toute discrimination est interdite. Vous ne pouvez choisir vos locataires sur la base de critères tels que l’âge, l’orientation sexuelle, la naissance, la fortune, la conviction religieuse ou philosophique, l’état de santé actuel ou futur, un handicap, une caractéristique physique ou génétique, l’origine sociale, la nationalité, la prétendue race, la couleur de peau, l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique, la langue ou le sexe.
Quand parle-t-on de discrimination? Lorsque vous rejetez des candidats-locataires sur la base de ces critères "protégés", sans pouvoir apporter de justification objective et raisonnable.
Nom de famille exotique
Concrètement, vous n’avez pas le droit d’augmenter le montant du loyer si, au téléphone, vous trouvez le nom de famille ou l’accent du candidat un peu trop "exotique". Ou encore, de refuser à priori de louer votre logement à une personne handicapée. Par contre, vous pouvez refuser si votre studio est, par exemple, composé d’une mezzanine inaccessible à une personne en chaise roulante, ce qui constitue une justification objective et raisonnable. Cela signifie aussi que refuser quelqu’un sur la base de sa couleur de peau ou de son origine est toujours discriminatoire. Ces arguments de rejet ne peuvent en effet être objectivés ou justifiés.
Il existe aussi une différence entre la discrimination directe et indirecte. Dans le premier cas, le propriétaire refuse, par exemple, de louer son bien à des étrangers. Dans le deuxième, il interdit, par exemple, les chiens, avec pour conséquence que les personnes malvoyantes avec chien-guide n’ont aucune chance de louer le logement. Donner l’ordre de discriminer est également interdit. En d’autres termes: demander à une agence immobilière de refuser certains groupes de personnes est passible de poursuites en Belgique.
Corde raide
Bien entendu, cela ne signifie pas que vous n’ayez aucune marge de manœuvre dans le choix de candidats locataires. Vous pouvez fixer des critères économiques, ou décider sur la base du type de logement proposé. "Imaginez que vous louiez un flat dans un immeuble habité majoritairement par des personnes âgées, explique Katelijne D’Hauwers, directrice du SNP, le Syndicat National des Propriétaires et Copropriétaires. Dans ce cas, il vaut mieux éviter de louer à un jeune ménage avec des enfants en bas âge."
Les critères de revenus sont encore plus importants: "Si un candidat ne peut ni payer le premier mois de loyer, ni verser la garantie locative de deux mois de loyer, il est préférable de ne pas s’engager. Vous ne pouvez par contre pas exclure quelqu’un car il touche des revenus de remplacement. Sélectionner les personnes sur la base du type de revenus est interdit. Mais vous pouvez faire le calcul: quelqu’un qui ne dispose que d’un revenu d’intégration sociale ne sera certainement pas capable de payer un loyer de 600 euros, plus charges."
Le propriétaire confie à son locataire un bien dont la valeur peut facilement atteindre plusieurs centaines de milliers d’euros. "Il est donc important de trouver un locataire solvable, estime Katelijne d’Hauwers. Et c’est parfois délicat. Car comment prouver que vous refusez quelqu’un pour des raisons économiques et non sur la base de son origine ethnique? Vous risquez de tourner en rond pendant longtemps. Car si vous devez respecter la loi, dans certaines circonstances, vous serez vite sur la corde raide..."
Pension alimentaire
"Soyez prudent": c’est le principal conseil de Katelijne D’Hauwers. Car "dès que le locataire est installé, vous n’êtes plus maître chez vous. Ne prenez donc pas le premier candidat valable qui se présente. Demandez des références de propriétaires précédents. Exigez des preuves écrites: fiches de salaire, documents prouvant l’existence de revenus de remplacement, déclaration d’impôt des personnes physiques pour les indépendants. Et demandez des détails: une personne qui dispose d’un revenu normal doit peut-être payer une pension alimentaire très élevée. Ce genre de chose ne figure pas sur la fiche de salaire."
Aucun candidat-locataire n’est certes tenu de répondre à toutes ces questions. "C’est exact, confirme Katelijne D’Hauwers. Mais le fait que quelqu’un refuse de répondre peut déjà constituer un indice. Ceux qui n’ont rien à cacher n’auront aucun problème à répondre aux questions."