Parmi les mesures dégagées dans le cadre de l’accord gouvernemental, figure un surcroît de précompte de 4% à payer par les particuliers sur les intérêts et dividendes supérieurs à 20.000 euros par an, à tout le moins ceux qui n’auraient pas été déjà frappés d’un précompte de 25%. Si, pour la plupart des dividendes, rien ne changera, cette contribution de 4%, qui ressemble fort à un impôt sur la fortune, n’est pas négligeable. Mais cela n’inquiète manifestement pas les "riches" que nous avons rencontrés.
Interviews croisées avec Laurent Minguet (ex-EVS) et Jean-Marie Delwart (ex-Floridienne). Laurent Minguet a fait fortune en revendant ses parts dans EVS, une entreprise liégeoise, qu’il a avait co-crée, spécialisée dans les applications vidéo numériques professionnelles. L’actuel président de Tweed, le cluster wallon des entreprises actives dans le renouvelable, juge les nouvelles taxes "justifiées". Quant à Jean-Marie Delwart, l’ancien patron de la Floridienne, il dirige le fonds Biotec qui investit dans des entreprises spécialisées dans les biotechnologies. Pour lui, les impôts sont un devoir patriotique…
Avez-vous été choqué par les hausses fiscales annoncées par le gouvernement?
Laurent Minguet: Pas du tout. L’Etat providence a été manifestement trop généreux. Aujourd’hui, les dépenses sont supérieures aux recettes et les gouvernements ont toujours reporté leur endettement sur les générations futures. Aujourd’hui ces générations futures, c’est nous. Et il est normal qu’on rembourse l’argent qu’on nous a donné car, il ne faut pas se leurrer, nous avons tous profité de la situation antérieure.
Jean-Marie Delwart: Non, je n’ai pas été surpris. On aurait pu envisager également de faire des économies sur les régimes des fonctionnaires mais je trouve subtile l’idée d’une taxe de solidarité de 4%. Quant à la hausse du précompte sur l’épargne dormante, je la comprends car la taxe se rapproche ainsi de celle qui est imposée aux placements boursiers qui elles, aident directement les entreprises à se développer. C’est une bonne mesure qui va aider notre économie. Et puis quand on voit que l’Etat cherche 11 milliards de recettes supplémentaires, on se dit que ce n’est pas une montagne au vu des 230 milliards d’euros que les belges ont déposé dans les banques.
Savez-vous combien vous coûteront ces nouvelles taxes?
Laurent Minguet: Je trouve normal que l’Etat ait cherché à maintenir le pouvoir d’achat des gens qui sont au taquet. Quant à la taxe de solidarité de 4%, je trouve cette mesure sympathique. Elle devrait me coûter 4.000 euros par an. Ce n’est pas extravagant. Je pense que le gouvernement aurait même pu aller encore plus loin, même si beaucoup de gens vont se plaindre. Vous savez, 90% des personnes sont réactionnaires qu’elles soient de gauche ou de droite et elles pensent que leurs privilèges sont coulés dans le bronze. Mais nous n’avons pas le choix. Si on veut s’opposer au changement, c’est contre le changement climatique qu’il faut lutter… On doit avancer à nouveau dans la bonne direction et ne pas maintenir les aberrations fiscales du passé. Pourquoi ne pas simplifier comme aux Etats-Unis et taxer tous les revenus au même niveau. La Belgique a changé les règles du jeu en 1952 en mettant en place des forfaits et des précomptes sur les avoirs mobiliers et immobiliers. Résultat: seuls les revenus du travail sont taxés de manière proportionnelle…
Jean-Marie Delwart: Je le sais mais je ne vais pas vous le dire. Cela ne me chagrine pourtant pas de les payer. On doit tous s’y mettre. C’est presque un investissement de patriote. J’ai d’ailleurs pas mal d’amis qui seraient favorables à une solution comme un emprunt d’Etat pour aider le pays. La plupart des gens de ma génération sont aujourd’hui pensionnés et ils souhaitent faire quelque chose pour leur pays afin d’assurer un avenir à leurs enfants et à leurs petits-enfants. Ils veulent que la Belgique retrouve un certain équilibre semblable au modèle suisse. Nos amis flamands sont par contre plus remontés contre ces nouvelles taxes car ils estiment que l’argent qui part au fédéral est mal géré. Ils sont plus favorables à un modèle "à la grecque" avec d’importantes économies au lieu d’une imposition du capital. Les Wallons sont plus enclins à faire des efforts.