Selon les dernières informations reçues, les négociateurs du futur gouvernement envisagent une extension de l’exonération de précompte mobilier afin que celle-ci concerne non seulement les revenus des comptes d’épargne, ce qui est déjà le cas aujourd’hui, mais aussi les intérêts des obligations et les dividendes des actions, le tout en plafonnant l’avantage aux 1.900 premiers euros de revenus mobiliers issus des livrets, des actions et/ou des obligations.
Il ne serait pas question de toucher au caractère libératoire du précompte mobilier des livrets, ce qui impliquerait que les épargnants ne devraient entreprendre aucune démarche pour continuer à bénéficier de l’exonération. Les titulaires d’actions et d’obligations devraient quant à eux inscrire dans leur déclaration fiscale le montant des revenus mobiliers de ces titres susceptible de bénéficier de l’exonération, tout en déclarant sur l’honneur qu’en additionnant ce montant et les revenus de leurs comptes d’épargne, la limite de 1.900 euros n’est pas dépassée.
Un tel système laisserait la porte ouverte à une répartition de l’épargne entre plusieurs livrets pour contourner la limite de 1.900 euros, et même à de fausses déclarations sur l’honneur permettant en plus de bénéficier de la mesure pour des revenus d’actions et d’obligations malgré des revenus d’épargne atteignant déjà le plafond.
Sous cette forme, qui reste parfaitement hypothétique à ce stade, la mesure aurait un coût budgétaire. Actuellement, la mesure, limitée aux 1.900 premiers euros de revenus de comptes d’épargne perçus par un contribuable, coûte à l’État environ 400 millions d’euros. L’inventaire des dépenses fiscales fédérales de 2012, publié fin 2013, mentionne un manque à gagner estimé de 461,77 millions d’euros mais les taux d’intérêt ont diminué depuis lors, ce qui laisse supposer une moindre perte de recettes pour cette année.
Précompte
Taux de 25% sauf dans certains cas
Depuis le 1er janvier 2013, le précompte mobilier est fixé à 25% pour l'ensemble des revenus mobiliers, sauf exceptions:
- Les intérêts des comptes d'épargne sont exonérés à hauteur de 1.900 euros. Au-delà, le précompte mobilier s'applique à un taux de 15%.
- L'emprunt populaire échappe lui aussi au taux de 25%. Les prêts-citoyens thématiques sont soumis à un précompte mobilier de 15%.
- Les bons d'État dits "Leterme" émis au début du mois de décembre 2011 bénéficient également d'un précompte mobilier réduit à 15%.
- Les dividendes distribués par les Sicafi (désormais Sir: sociétés immobilières réglementées) résidentielles sont eux aussi soumis à un précompte mobilier de 15%.
- Enfin, les droits d'auteur, jusqu'à un plafond de 57.080 euros maximum en 2014, sont soumis à un précompte mobilier de 15%.
En 2013, les recettes du précompte mobilier ont rapporté en tout 4,647 milliards d’euros. Une partie des revenus qui ont généré ces recettes fiscales sont susceptibles de bénéficier de l’extension de l’exonération de précompte. Mais il est difficile de déterminer dans quelle proportion car, d’une part, les investisseurs sont censés tenir compte des sommes déjà placées sur leur compte d’épargne et donc bénéficiant déjà de l’exonération, et, d’autre part, les revenus mobiliers sont répartis de manière inégale entre les investisseurs et les classes d’actifs, ce qui empêche d’évaluer le montant global des revenus mobiliers éligibles pour cet avantage fiscal.
Des actions favorisées
On peut en tout cas supposer qu’en cas d’extension de l’exonération, le coût de celle-ci augmenterait sensiblement par rapport aux quelque 400 millions d’euros de manque à gagner prévisible en cas de maintien de cette exonération pour les seuls comptes d’épargne. En effet, ceux qui perçoivent des revenus d’actions et d’obligations n’ont pas nécessairement atteint la limite de 1.900 euros avec les revenus de leurs livrets. Sans oublier la possibilité de fausses déclarations sur l’honneur, permettant de combiner une exonération de 1.900 euros sur l’épargne et une autre sur les revenus d’actions et obligations.
L’extension de l’exonération risque aussi de favoriser un certain type d’actions. De l’avis de Bruno Colmant, associé chez Roland Berger et professeur de finances à l’UCL et à la Vlerick School Management, cette mesure aura pour effet de convaincre les particuliers à acheter des actions à fort dividende. "La mesure serait modique, car aujourd’hui, beaucoup de gens épargnent par précaution", ajoute-t-il.
Les actions à fort dividende se retrouvent surtout parmi les Sicafi, comme Befimmo, Intervest et Cofinimmo, mais aussi les grands noms du Bel 20 comme GDF Suez, Belgacom, Ageas et bpost. Les holdings, comme la Gimv et Bois Sauvage, sont aussi généreux en dividendes, tout comme la compagnie de transport maritime Exmar et la société technologique Barco.
Vincent Van Dessel, le président d’Euronext Bruxelles, n’a pas voulu commenter.
L’association Belge des asset managers s’est dite, dans un communiqué, favorable à l’élargissement de l’exonération des carnets de dépôts, et demande que le futur gouvernement prenne aussi en compte les parts de distribution des fonds.