Dès 2013, le précompte mobilier sera relevé à 25% et retrouvera son caractère libératoire. Les revenus mobiliers (dividendes, intérêts d’obligations,…) ne devront donc plus être déclarés. On en revient donc à la situation qui prévalait avant 2012.
Exit donc, la fameuse "taxe sur les riches", cotisation de 4% frappant les revenus mobiliers supérieurs à 20.020 euros. Mais à partir de 2013 seulement. Elle sera donc bien exigée, pour une seule et unique fois, pour les revenus encaissés en 2012. Les contribuables devront mentionner l’intégralité de leurs revenus mobiliers dans la prochaine déclaration fiscale (exercice d'imposition 2013, revenus 2012). Cela s'annonce fastidieux. Le point en 8 questions.
1. L’obligation de déclarer les revenus mobiliers perçus en 2012 est-elle neuve?
Non. Fin 2011, après 541 jours de négociations, l’équipe Di Rupo parvenait enfin à un accord politique qui prévoyait une cotisation de 4% sur les revenus mobiliers supérieurs à 20.020 euros. La fameuse "taxe des riches", instaurée par la loi du 28 décembre 2011.
Pour permettre au fisc d'établir si cette cotisation doit être perçue ou non, les contribuables seront tenus de mentionner leurs revenus mobiliers dans leur déclaration d’impôts.
Les banques, elles, seront obligées de communiquer à un "point de contact central", logé au sein du ministère des finances, les revenus mobiliers de leurs clients, sauf si ceux-ci leur demandent de prélever la cotisation de 4%. L’anonymat leur est alors garanti. Ce dispositif extrêmement complexe avait été largement critiqué par les fiscalistes, les épargnants, et les banques, confrontées à une surcharge de travail.
Lors de ses derniers travaux budgétaires, l’équipe Di Rupo a revu sa copie. Mais les modifications n’entreront en vigueur que pour l’exercice d’imposition suivant (exercice d'imposition 2014, année de revenus 2013).
2. Qui va devoir déclarer les revenus mobiliers?
Tous les contribuables (c’est-à-dire les personnes physiques et résidents belges, donc pas les sociétés et les personnes morales) qui ont touché des revenus mobiliers en 2012, sauf ceux qui ont demandé à leur banque le prélèvement de la cotisation de 4%.
3. Que va-t-on devoir déclarer?
Tous les revenus mobiliers encaissés en 2012, c’est-à-dire les intérêts des obligations, des comptes à vue, des comptes à terme, des bons de caisse, des bons d’Etat (sauf les bons d’État "Leterme" émis à la fin de l’année 2011), les intérêts des carnets d’épargne non exonérés (l’exonération de précompte pour 2012 s’élève à 1.830 euros par personne), les intérêts des produits d’assurance-épargne de la branche 21 rachetés avant la fin de la période de 8 ans suivant leur souscription, les dividendes de sicav belge…
Ne doivent pas être déclarés les intérêts exonérés des carnets d’épargne et les boni de liquidation. Finalement, les dividendes des actions, soumis à un précompte de 25%, ne devront pas être déclarés, a précisé cette semaine le cabinet du ministre des finances.
Les contribuables devront toutefois déclarer leurs dividendes s’ils ont touché d’autres revenus précomptés à 21%, pour lesquels les 4% n’ont pas été retenus, précise encore le cabinet.
4. Les revenus mobiliers inférieurs à 20.020 euros doivent-ils aussi être déclarés?
Oui. Sauf si la loi est modifiée, le moindre centime d’intérêt perçu sur un compte d’épargne devra être déclaré au fisc. Ce qui annonce de gros tracas administratifs.
5. Le contribuable pourra-t-il compter sur l’aide de sa banque pour déclarer ses revenus mobiliers?
La plupart des banques devraient fournir à leurs clients une fiche récapitulative des revenus mobiliers qu’ils ont perçus en 2012. Les montants figurant sur cette fiche ne seront toutefois pas transposables tels quels dans la déclaration d’impôts.
6. Qu’en est-il si le contribuable se trompe, de bonne foi, dans la déclaration de ses revenus mobiliers?
Les conséquences peuvent être lourdes, alors que le risque d’erreur est élevé. "Une déclaration d’impôts incorrecte ou incomplète peut déclencher une procédure de taxation sur signes et indices: le fisc peut établir la taxation comme il l’entend. La charge de la preuve est en outre à charge du contribuable", précise Rodolphe de Pierpont, expert en fiscalité auprès de Febelfin.
7. Les banques devront-elles communiquer au fisc les revenus mobiliers de leurs clients?
Non. Initialement, les banques devaient communiquer les revenus mobiliers perçus par leurs clients dans le courant du premier semestre 2013. Mais le point de contact central ne sera pas mis en service, a précisé cette semaine le cabinet du ministre des Finances. Le rétablissement du caractère libératoire du précompte dès l’exercice suivant rend en effet inutile la mise en place d’une telle structure.
8. Comment le fisc pourra-t-il alors contrôler les revenus déclarés par les contribuables?
Le contrôle sera évidemment beaucoup moins évident en l’absence des données communiquées par les banques. Cela ne signifie pas pour autant que les contrôles seront impossibles. Dans le cadre de l’assouplissement de la levée du secret bancaire en 2011, le gouvernement a prévu la création d’un (autre) point de contact central au sein de la Banque nationale de Belgique. Sa mission est d’établir la liste des comptes bancaires détenus par les Belges. Les banques devront lui communiquer des informations telles que l’identité des clients ayant ouvert un compte, le nombre de comptes détenus, la durée de détention de ces comptes…
Elles ne devront pas en revanche communiquer les actifs détenus par leurs clients. Ce point de contact devrait être opérationnel dans le courant de l’année prochaine. Le fisc pourrait alors facilement obtenir des informations auprès des banques sur les actifs détenus par leurs clients. Suite à l’assouplissement de la levée du secret bancaire, les banques sont tenues de communiquer ces informations au fisc. Celui-ci doit néanmoins disposer d’indices de fraude fiscale.
Questions à François Parisis
Maître de conférences à l'Université de Liège Responsable de la structuration patrimoniale chez Puilaetco Dewaay
1 - La déclaration de 2013 pourrait-elle donner de nouvelles armes pour le fisc, en établissant un instantané de "cadastre des fortunes"?
À partir du moment où vous déclarez vos revenus mobiliers, le fisc peut reconstituer - certes de manière très approximative - l'étendue de votre patrimoine mobilier. Lorsqu'ils ont appris en début d'année qu'ils allaient devoir déclarer leurs revenus mobiliers ou payer une cotisation de 4% pour échapper à cette obligation déclaratoire, certains contribuables ont volontairement diminué le montant de leurs revenus mobiliers afin de brouiller les pistes. Pour ce faire, ils ont investi dans des actifs financiers qui ne génèrent aucun revenu, comme de l'or ou des sicavs de capitalisation.
En conséquence, le spectre du cadastre des fortunes me paraît assez théorique. Pas de quoi s'inquiéter de ce côté-là.
2 - Qu'est-ce que le gouvernement aurait dû faire?
Le gouvernement se trouvait devant un choix cornélien: soit il laissait les choses en l'état pour 2012, au risque qu'on lui reproche la mise en place de tout un système d'échange d'informations pour une durée limitée à un an; soit il appliquait le nouveau dispositif (ndlr: le précompte mobilier libératoire uniformisé à 25%) avec effet rétroactif au 1er janvier 2012, s'exposant alors à des plaintes de contribuables dont les revenus mobiliers ne dépassent pas 20.020 euros. En définitive, les banques seront dispensées de communiquer au fisc les revenus mobiliers de leurs clients mais, paradoxalement, les contribuables resteront tenus de déclarer leurs revenus mobiliers qui n'ont pas été soumis à la cotisation de 4%. Sans quoi un trou de 134 millions serait apparu dans les comptes de l'État pour 2012.
Résultat des courses: les banques devront quand même adresser à leurs clients une attestation de revenus pour leur permettre de remplir correctement leur déclaration fiscale en juin 2013.