L’immobilier, un investissement sûr et rentable? Beaucoup le pensent, en particulier en Belgique car les prix n’y ont plus vraiment plié depuis le début des années 1980 et les dévaluations du franc belge à répétition qui, vues d’ici, paraissent d’un autre âge.
Ce sentiment est corroboré par les statistiques: les prix se sont effectivement envolés, en particulier dans les années 2000. Le prix du m² a plus que doublé de valeur durant cette décennie.
Mais les propriétaires de longue date savent aussi quelle poisse peut représenter une toiture à refaire, un locataire qui ne paie plus son loyer ou un quartier qui périclite. Ils pourraient dès lors être tentés de tout plaquer pour profiter, à la place de leur(s) appartement(s), des multiples avantages que présente la brique papier par rapport à l’investissement "en dur". Ou, tant qu’à diversifier complètement leur patrimoine, de remplacer leurs murs par des actions et des obligations. Mais qu’est-ce qui rapporte le plus?
Comparaison
Nous avons tenté la comparaison sur les 15 dernières années. Avec, comme l’indique la notice d’un médicament potentiellement dangereux pour les nerfs, toutes les précautions et recommandations méthodologiques qui s’imposent.
Côté brique, nous avons ainsi considéré le prix moyen d’un appartement en Belgique (tiré des statistiques du SPF Économie) et un rendement locatif de 3% net, c’est-à-dire débarrassé des impayés, des provisions pour réparations, des frais d’entretien et du poids fiscal de l’investissement qu’on imagine consenti en cash. Un rendement réaliste et même plutôt conservateur si on interroge le secteur, aucune statistique de référence n’existant à ce jour en la matière.
Côté brique papier, on se focalisera sur la SIR la plus résidentielle qui existe en Belgique: Home Invest. Les autres SIR visent aussi les bureaux, les commerces, la logistique, les maisons de repos… Autant de sous-segments immobiliers qui suivent des cycles différents et qu’il est d’ailleurs à ce titre intéressant de combiner, mais qui ne peuvent honnêtement être comparés à du résidentiel classique. Il existe toutefois un indice, le RPBL, qui peut donner une idée de l’évolution de l’ensemble du secteur immobilier coté en Belgique et au Luxembourg depuis 1989 (voir graphique).
Enfin, pour ceux qui voudraient totalement sortir de l’immobilier, nous avons considéré un investissement dans un fonds mixte classique investi en actions et en obligations. Là, la difficulté est plutôt de trouver un fonds populaire qui existe depuis de nombreuses années, sans que son équipe de gestion et sa philosophie n’aient été radicalement modifiées. Mais nous en avons trouvé un, et non des moindres: Carmignac Patrimoine.
And the winner is…
Avant de déchirer l’enveloppe du gagnant, rappelons comme il se doit que les rendements du passé ne présagent en rien de ceux du futur, qu’il faut toujours diversifier son portefeuille autant que possible et que notre "concours" met en scène des concurrents désignés arbitrairement, même si leur choix est justifié. Le tableau (voir plus bas) pourrait néanmoins permettre d’y voir plus clair, et peut-être de démythifier certaines choses. Voici les principaux enseignements.
Ces 15 dernières années, c’est la SIR qui a affiché la plus belle rentabilité (9,20% nets par an, suivant la formule des intérêts annuels composés), juste devant l’appartement (8,88%) et distançant largement le fonds mixte (6,7%).
Plus la période d’investissement est courte, moins l’appartement est rentable: 7,02% sur 10 ans et 5% sur 5 ans, toujours en considérant un achat en 2000. C’est normal puisqu’il faut lisser dans le temps les "frais de notaire" (environ 15%) payés à l’achat. De ce fait, on commence d’office sa période d’investissement en briques avec une moins-value sur le dos. Mais si le marché est porteur, ces frais peuvent se diluer au fil du temps.
Les rendements de la SIR et de l’appartement ont tendance à s’entrecroiser selon le moment choisi pour les calculer.
- Un appartement de 88.943 euros, acheté en 2000 — le prix moyen d’un appartement en Belgique cette année-là — valait 141.304 euros en 2005 contre 164.785 euros pour le même montant placé en actions Home Invest.
- En 2010, il valait 189.795 euros, contre 179.719 euros pour le placement en SIR.
- Enfin en 2015, sa valeur atteignait 209.516 euros (derniers chiffres du SPF à fin 2014), contre 267.821 euros pour la SIR.
La SIR a par ailleurs livré un paquet de dividendes nets plus ou moins équivalent à la somme des loyers de l’appartement sur 15 ans. Soit 65.074 euros contre 67.153 euros sur la base d’une moyenne.
Le fonds mixte a subi de plein fouet les aléas de la Bourse et de l’histoire de son gestionnaire. Mais un investisseur mieux inspiré ou plus chanceux aurait bien sûr pu trouver de meilleurs rendements en adaptant à bon escient sa stratégie. La part du fonds Ethna Aktiv, qui a commencé début 2002, est ainsi passée de 50 à 132,34 euros aujourd’hui. Un investissement de 88.943 euros en 2002 aurait donc donné 235.414 euros à la fin 2015 et non 205.545 euros comme Carmignac Patrimoine.
Garder la tête froide
A priori, c’est donc la SIR qui s’est avérée le meilleur investissement en 15 ans. D’autant qu’elle n’a nécessité aucune gestion particulière et qu’elle présente d’autres avantages par rapport à un achat sur le marché immobilier (voir + et -).
De là à dire que l’histoire va se répéter…
Rappelons que le prix des SIR est, par définition, sensible à l’environnement boursier mais aussi aux taux d’intérêt. Autrement dit, leur liquidité est un avantage mais peut aussi être perçue comme un inconvénient par l’investisseur allergique aux mouvements de yo-yo quotidiens.
"Entre la brique et le papier, le papier l’emporte clairement, même s’il nuit à la santé mentale de certaines personnes, s’amuse Frank Vranken, chief strategist chez Puilaetco Dewaay Private Bankers. C’est vrai que les SIR profitent davantage d’une hausse des marchés, mais l’inverse est vrai aussi: en cas de chute, les cours baissent et tout ce qu’on peut garder, c’est la valeur à la casse".
En observant l’indice des fonds immobiliers RPBL depuis 1989, on constate une assez grande stabilité par rapport au Stoxx600 des actions, souligne le stratégiste, pour une performance annualisée à peine inférieure (4,29% contre 5,10%).
À cause des taux très bas, les SIR sont néanmoins devenues assez chères car très prisées. En cas de forte remontée des taux, elles seront donc logiquement parmi les premières à souffrir, mais, en principe, le marché immobilier aussi.
Quant aux fonds mixtes, "ils ont profité d’un rally obligataire invraisemblable ces dernières années. Cela porte ces fonds par rapport aux actions classiques qui ont, elles, subi plusieurs crashs boursiers entre 1999 et 2013. Même en tenant compte de la volatilité, les rendements sont meilleurs pour les fonds avec des obligations".
Pour le stratégiste, Carmignac Patrimoine n’est du reste pas le fonds mixte le plus emblématique car sa composante actions peut être fortement augmentée. Il n’existe malheureusement pas d’indice des fonds mixte car ce n’est pas une classe d’actifs hétérogène.