Début 2020, Take the Lead, programme de formation centré sur la transformation numérique des entreprises, en sera à sa quatrième édition. Trois participants de 2019 reviennent sur leur parcours. Et s’accordent sur un point: “Les projets d’innovation et la transformation qui en découle ne peuvent être relégués dans un recoin de l’entreprise. Toute l’organisation doit y prendre part. Et ce programme constitue un excellent fil conducteur.”
À quoi vous attendiez-vous lorsque vous vous êtes inscrits à Take the Lead l’an dernier?
Sophie Angenot: Je voulais surtout me forger une idée réaliste de tous les aspects qui interviennent dans une transformation numérique aussi profonde. Grâce à mon environnement professionnel, je connaissais déjà relativement bien l’aspect technologique, mais nous avons également beaucoup réfléchi et investi dans de nouvelles formes d’organisation chez QuaData, voici un an. Ma curiosité portait surtout sur cet aspect: comment atteler des formes d’organisation ou des modes de collaboration innovants à une telle transformation numérique?
Guy D’Hauwers: J’ai une grande expérience du go-to-market international dans le secteur high-tech, mais je voulais mieux comprendre les aspects de transformation et d’innovation. En outre, je suis un authentique networker, et c’est une dimension qui me séduit particulièrement dans Take the Lead. Je ne m’inscrirais jamais à un simple cours en ligne: vraiment trop ennuyeux! (Il rit.)
Ivan Stuer: L’innovation est une chose, mais quelle est la structure qui se cache dans ou derrière cette innovation? Et comment intégrer structurellement cette innovation dans ses systèmes afin d’éviter que certains projets ou idées innovants subsistent pendant un temps, puis s’éteignent peu à peu? Je recherchais de nouvelles idées à ce propos. Et je me reconnais dans ce que vient de dire Guy: les possibilités de réseautage était très importantes pour moi.
Dans quelle mesure ces attentes ont-elles été satisfaites?
Sophie Angenot: J’ai apprécié le modèle théorique que met en avant Take the Lead. J’y vois un fil conducteur très utile. Il m’a déjà aidée à plusieurs reprises. Pour expliquer à d’autres la nécessité d’une transformation numérique, ou pour engager la discussion sur de nouveaux rôles et responsabilités dans ma propre entreprise. Les exemples provenant du cours sont devenus pour moi une sorte de bibliothèque, de boîte à outils où je peux puiser quand je souhaite expliquer quelque chose.
La formation a-t-elle déjà eu un prolongement concret dans votre entreprise?
Sophie Angenot: Oui, et même de manière assez profonde. Notre entreprise fait partie du groupe Cronos, lui-même membre du cluster iAdvise. Au sein de ce cluster, nous avons donné une présentation pour les managing partners, et j’ai décidé que mes consultants pourraient eux aussi suivre la formation.
Guy D’Hauwers: Je travaille dans une organisation de taille relativement modeste, mais j’ai beaucoup appris des différents types de leadership mis en avant dans la formation. Cela m’a vraiment servi chez mes clients, en ce sens que j’ai commencé à reproduire certains exemples auprès d’eux, et ensuite auprès de leurs propres clients.
La formation proprement dite dure 12 semaines. Est-ce difficile à concilier avec vos activités professionnelles habituelles?
Ivan Stuer: Au début, ce rythme particulièrement soutenu m’a surpris. C’est un programme assez lourd. Ceux qui s’y inscrivent doivent être prêts à ne compter ni leur temps ni leurs efforts. Si vous ne le faites pas, vous risquez de passer à côté de sa valeur ajoutée.
Stijn Viaene: Effectivement, ce n’est pas une promenade de santé, il faut être clair à ce sujet. Il s’agit d’une formation numérique, et ceux qui y participent doivent donc en retirer quelque chose. Nous ne mâchons pas le travail des participants. Nous tentons réellement de les inciter à appliquer de nouvelles idées.
La nécessité d’une transformation numérique est communément admise dans les entreprises. Après cette formation, avez-vous néanmoins une meilleure idée à la fois de l’urgence du problème et de la manière dont une entreprise peut aborder une telle transformation?
Ivan Stuer: Je pense, oui. La Région flamande investit massivement dans plusieurs formes d’innovation. Mais il est tout aussi important d’identifier concrètement l’innovation et son impact, puis de décider quelle sera l’étape suivante. Chez Informatie Vlaanderen, nous avons trois programmes distincts consacrés à la blockchain, à l’intelligence artificielle et aux smart cities. Nous avons récemment décidé d’intégrer ces programmes dans notre fonctionnement quotidien. Ce modèle s’y prête parfaitement.
Stijn Viaene: Vous mettez le doigt sur la plaie. Nous faisons encore trop peu la distinction entre l’innovation et la transformation. Les entreprises qui ne parviennent pas à intégrer l’innovation dans leur cœur d’activité n’en font rien, en fin de compte. C’est ce constat qui a plus ou moins été à l’origine de cette formation. Nous avons trop longtemps relégué la transformation numérique au rang d’un programme externe, mais ce n’est heureusement plus le cas.
Sophie Angenot: Je pense que, pour de nombreuses entreprises, il est difficile de trouver le bon équilibre. Trop souvent, elles se contentent de continuer à expérimenter et à mettre de nouveaux projets sur les rails sans prendre de décision. Ou elles créent des start-up en leur sein… mais je n’y crois pas. À un certain moment, il faut intégrer cette innovation dans son cœur d’activité.
Guy D’Hauwers: Un aspect intéressant de cette formation est qu’elle ne réunit pas seulement les usual suspects, des gens qui s’occupent déjà énormément de technologie et d’innovation dans leur propre entreprise. On ne peut pas reléguer l’innovation dans un recoin de l’entreprise. C’est toute l’organisation qui doit être plongée dans le grand bain!
Très concrètement, vous avez terminé cette formation et repris votre poste. Comment intégrer ces nouvelles idées dans l’entreprise et apporter finalement de la plus-value pour l’organisation dans son ensemble?
Guy D’Hauwers: J’ai le sentiment que cette formation – du fait qu’elle touche davantage de “rôles” et un spectre plus large de profils – est particulièrement appropriée pour susciter rapidement une plus grande adhésion de l’entreprise. Je m’y suis lancé avec un esprit très ouvert, mais je ne m’attendais pas à pouvoir immédiatement appliquer les connaissances acquises auprès de mes clients.
Ivan Stuer est CTO de l’agence publique flamande Informatie Vlaanderen, qui investit dans la numérisation et la gestion des données.
Guy D’Hauwers est fondateur et Managing Partner de GuYding, qui accompagne des entreprises de haute technologie vers les marchés adéquats.
Sophie Angenot est fondatrice et Managing Partner de QuaData, une entreprise de conseil spécialisée dans la Data Governance.
Stijn Viaene est professeur à la Vlerick Business School et directeur du programme Take the Lead.
Ivan Stuer: En interne, cette adhésion existe naturellement chez nous. Toutefois, cela reste compliqué, pour un participant à la formation, de faire adhérer sa propre organisation à ces nouvelles idées. Il serait peut-être utile de consacrer un peu plus d’attention encore à cet aspect pendant la formation: comment transmettre ces nouvelles connaissances, et comment susciter l’adhésion de suffisamment de personnes?
Sophie Angenot: Chez moi, la donne est quelque peu différente, parce que j’ai débuté la formation avec cette approche. En outre, je travaille dans une entreprise et un secteur où la notion de transformation numérique ne laisse plus personne bouche bée (elle rit). Avec les autres entreprises du groupe, nous nous penchons sur une nouvelle stratégie numérique depuis des mois. En ce sens, le calendrier fut heureux. J’ai immédiatement intégré les concepts de la formation dans ces discussions.
L’impact de la transformation numérique est-il encore sous-estimé en Belgique? Cette formation vous a-t-elle ouvert les yeux?
Sophie Angenot: Plusieurs exemples évoqués durant le cursus illustrent l’impact que peut avoir la transformation. Il apparaît peu à peu que nous avons dépassé le stade de l’expérimentation et de l’innovation sans engagement. Ce programme offre une sorte de cadre général pour travailler concrètement à partir de cette prise de conscience.
Ivan Stuer: Ces dernières années, nous sommes allés très loin dans le modèle “Spotify”, avec une grande attention pour l’autonomie, des équipes agiles et autogérées. Aujourd’hui, une autre question se pose: comment réintégrer dans l’organisation ces connaissances nouvellement acquises? Que conserver? Quels sont les modèles impossibles à mettre en œuvre? Cette formation vous incite à y réfléchir.
Take the Lead vise expressément des collaborateurs qui se situent un peu plus bas dans l’échelle hiérarchique: les cadres moyens, voire les profils juniors. Est-ce réaliste?
Guy D’Hauwers: À mes yeux, il faut surtout disposer d’un bagage minimum et d’un réseau suffisamment développé dans votre organisation. Être suffisamment connecté pour pouvoir avoir un impact.
Sophie Angenot: Ayez surtout conscience du fait que vos jeunes reviendront avec une envie brûlante de changer les choses. Donnez-leur cette opportunité, laissez-les jouer ce rôle de catalyseur.
Dernière question: quelle est, en une phrase, la plus grande valeur ajoutée de cette formation selon vous?
Ivan Stuer: Elle incite à réfléchir sérieusement à la zone de danger dans laquelle se trouve votre organisation, et à son impact possible sur toute l’organisation.
Sophie Angenot: La structure que l’on y enseigne peut être appliquée à long terme, et on en retire énormément de motivation.
Guy D’Hauwers: Cette formation fournit une bonne idée de la situation générale et de l’impact plus large de la transformation à laquelle nous allons être confrontés – certaines formations vont sans doute un peu plus loin, mais elles sont réservées à des niches.