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Gaël Faye, Alain Mabanckou, Josef Winkler, Pierre Kroll... Tous les livres de la rentrée littéraire

Gaël Faye marque la rentrée littéraire avec "Jacaranda" (Grasset). ©ANTONIN WEBER / HANS LUCAS

Grands entretiens, romans, BD, essais, et un dossier sur l'essor du livre d'occasion... La rédaction Culture de L'Echo vous parle à livre ouvert ce week-end. C'est la rentrée littéraire!

À tout seigneur, tout honneur, on débute ce florilège avec une rencontre marquante. Gaël Faye, connu pour son roman et sa chanson "Petit pays", récidive avec une fresque qui court sur cinq générations pour explorer les manières dont pourrait se sortir le Rwanda, son pays d'origine, 30 ans après le génocide qui a fait près d'un million de morts.

"Je crois qu'on ne guérit jamais d'un génocide", dit-il à Simon Brunfaut, ajoutant que pour qu'il y ait pardon, il faut qu'il y ait demande de pardon. "Or, il y a peu de demandes de pardon du côté des bourreaux", constate-t-il, tout en pointant l'extraordinaire créativité de la jeune génération pour puiser dans l'histoire et la culture rwandaises les éléments d'une possible résilience.

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"Dans 20 ou 30 ans, je pense qu’on reviendra sur ces années-là et on dira: c'est une société qui a tenté quelque chose, même si c'était parfois de manière imparfaite."

Rentrée littéraire Grasset 2024 : Gaël Faye - Jacaranda

Des romans et des critiques

Pour cette rentrée littéraire, nous avons bien évidemment sondé notre critique en chef, Sophie Creuz, qui débusque toujours, dans la littérature internationale, de quoi satisfaire nos curiosités romanesques, mais aussi des auteurs qui nous donnent à penser sur la société – et ses égarements souvent impardonnables.

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Elle revient ainsi sur l'auteur autrichien Josef Winkler, qui vient d'être primé pour l'ensemble de son œuvre, et qui rejoint Thomas Bernhard, Florjan Lipus ou Elfriede Jelinek, Prix Nobel de littérature, pour jeter à la face de leurs concitoyens autrichiens leur atavisme conservateur qui a pu faire d'eux d'épouvantables admirateurs du nazisme.

Dans "Le champ", son nouveau roman, il procède de nouveau à cet extraordinaire travail d'exhumation de la mémoire collective, cette fois à partir de la cuisine familiale, de la chambre du valet de ferme, au canapé défoncé et sali par le derrière de la grand-mère tyrannique. Imparable.

Eileen O'Shaughnessey, la première femme de George Orwell. ©D. R.

Dans un genre plus léger, on s'arrêtera sur la géniale biographie de la première femme de George Orwell, que l'auteur de "1984" et ses biographes zélés ont pris soin d'effacer de la mémoire collective. Mais l'adage qui veut que "derrière un grand homme, il y a une grande femme" se vérifie ici parfaitement. Et on comprend vite qu'Orwell n'aurait jamais été Orwell sans la belle et brillante Eileen O'Shaughnessey. C'est signé Anna Funder.

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Sophie Creuz s'arrête également sur le roman d'une époque, celle de la révolte des mineurs anglais sous Thatcher, qui ressemble de plus en plus à la nôtre, dit-elle, et sur deux héros pour temps âpres. "Les éphémères", adapté en série par la BBC ("Mayflies"), de l'écrivain écossais Andrew O'Hagan, soude le pacte d'une fidélité à des idéaux et à la fraternité. Bedonnants et chauves, les deux amis ont gardé l'œil brillant d'une jeunesse qui dégrisait l'époque à coup de "funk belge radical"... 

Notre critique épingle enfin un jeune auteur bruxellois qui, à juste titre, a raflé le Prix Stanislas du meilleur premier roman de cette rentrée. Dans "Mythologie du .12", Célestin de Meeûs, né en 1991, saisit le fil de soliloques intérieurs, ce "maelstrom de solitude et de souvenirs" qui enfle sous l’effet de la chaleur et de l’ennui...

Vinciane Despret et Pierre Kroll signent "Dieu, Darwin, tout et n'importe quoi". ©Les Arènes

Album illustré

Il faut donc lire L'Echo pour apprendre que les déjections des wombats ont une forme cubique! C'est l'une des planches désopilantes de la BD que cosignent deux Liégeois hauts en couleur et qu'on n'attendait pas à voir associés: le caricaturiste Pierre Kroll et la prof d'univ Vinciane Despret. Mais quel bonheur de les voir réunis dans "Dieu, Darwin, tout et n'importe quoi", un savoureux mélange autant savant qu'hilarant.

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Plus qu'un abécédaire plein de drôleries, c'est une ode au vivant savamment sourcée et expliquée, au cœur de la recherche scientifique actuelle, conclut Léa Dornier, qui a rencontré le duo en goguette et n'a pas passé sous silences les cocasseries d'une vraie rencontre. Un article qui se dévore à pleines dents!

L'auteur congolais Alain Mabanckou. ©ANTONIN WEBER / HANS LUCAS

Autre témoin de choix, avec Gaël Faye, Alain Mabanckou. Dans "Cette femme qui nous regarde", l'écrivain franco-congolais pose un regard croisé entre l'Afrique, l'Amérique et la figure emblématique d'Angela Davis, icône mondiale de la défense des droits civiques et des minorités. L'occasion pour Simon Brunfaut de lui demander ce qu'il pense de... Kamala Harris.

"Kamala Harris pourrait être celle qui va débarrasser une bonne fois pour toutes l’Amérique de Donald Trump."

Alain Mabanckou
Professeur et auteur

"Elle incarne beaucoup plus de choses qu'Obama", s'enthousiasme Mabanckou. "Elle va à la fois incarner la question blanche, la question noire, la question de l'Asie, de l'Inde, de la migration, de la place de la femme dans la politique américaine. Obama était un homme, comme tous les présidents de l'histoire américaine. Avec Kamala Harris, ce ne sera plus seulement la satisfaction de se dire qu'une noire a été élue, mais qu'une femme se retrouve à la tête de l'État le plus puissant au monde. Elle pourrait être celle qui va débarrasser une bonne fois pour toutes l’Amérique de Donald Trump". Une vraie interview politique de rentrée!

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Essai sur la résilience

Puisque nous sommes dans un journal économique, on s'intéresse de près à la résilience, cette capacité à retomber sur ses pattes après un traumatisme. Mais cette notion complexe, élaborée par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, est aujourd'hui mise à toutes les sauces et récupérée par la nébuleuse du "développement personnel". Une bonne petite méthode Coué pour faire de nous de bons petits soldats de la machine néolibérale!

Or, la résilience n’est pas une qualité que chacun pourrait développer de son côté, à force d’efforts et d’exercices, au gré de ses besoins, rectifie Cyrulnik dans "Les deux visages de la résilience". "Jamais, je n’aurais pensé que la Shoah, l’inceste, la maltraitance, la précarité sociale ou la guerre faisaient partie du 'secteur du développement personnel'!", lance-t-il. Dont acte.

©AFP
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Les plateformes et des livres d'occasion

Le secteur du livre devra en tout cas faire preuve de "résilience" face à la montée inexorable du livre d'occasion qui se revend aujourd'hui sur Vinted ou 2ememain.be, sans tenir compte des délais de publication ni du prix unique du livre. Si on jette un œil chez nos voisins français, on constate que ce marché de l'occasion dépasse déjà 10% du marché, une tendance qui augmente de 30%, voire plus, depuis deux ans. Comment réagissent les auteurs, les éditeurs et les libraires face à la menace qui pèse sur leurs droits et leurs ventes... Vous le saurez en lisant l'enquête fouillée de Johan-Frédérik Hel Guedj.

Enfin, on termine par l'un de ces petits pieds de nez dont est coutumier notre journaliste et chroniqueur Bernard Roisin, qui a réussi à trouver un éditeur de livres audio qui a décidé d'imprimer des livres sur papier. Oui, vous avez bien lu, sur papier!

Bonnes lectures et bonne rentrée!

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