Le Belge, c’est bien connu, a une brique dans le ventre. La construction est quasiment intégrée dans son ADN. Les nécessités de la lutte contre le changement climatique devraient a priori l’inciter à réorienter son esprit bâtisseur vers le bois, un matériau totalement renouvelable et aux performances thermiques supérieures. Ce n’est pas (encore) vraiment le cas.
Si reconversion il y a, celle-ci est lente. En 2018, 2.514 habitations en bois ont été construites dans le pays. Un record. Mais le précédent, qui remonte à 2016 (2.509 maisons), est à peine inférieur.
La majorité de ces constructions est le fait d’entreprises flamandes. Moins nombreuses que les wallonnes (45 contre 79), elles sont en revanche de plus grande taille: elles construisent en moyenne 50 maisons en bois par an, contre 13 pour leurs homologues wallonnes.
Ceci explique dans une large mesure le déséquilibre nord-sud: en 2018, les sociétés wallonnes ont construit 930 maisons, les flamandes 1.584.
Dans le résidentiel, les constructions en bois représentent près de 11% des permis de bâtir. C’est mieux qu’en France ou aux Pays-Bas par exemple, mais moins bien qu’en Allemagne (16%) et surtout dans les pays scandinaves, où plus de 90 % du parc résidentiel est construit en bois. Facile: dans le grand nord, les forêts pullulent.
Peut mieux faire
Une telle évolution laisse le directeur de Hout Info Bois, un organisme de promotion de la filière bois, sur sa faim. "La construction en bois se porte bien, mais elle pourrait aller beaucoup plus loin que là où elle est aujourd’hui, dit Hugues Frère. Le résidentiel a tendance à stagner, mais la construction non résidentielle (halls de sport, hangars agricoles, bâtiments publics…) enregistre heureusement une croissance plus sensible."
Les causes? Les réticences persistantes de certains acheteurs qui assimilent construction en bois à déforestation, les craintes – non fondées – sur la résistance d’une construction en bois face à l’humidité, et le prix: une construction en bois coûte 5 % de plus qu’une construction en béton ou en acier.
Le bois présente pourtant des avantages appréciables, à commencer par son faible coût énergétique. Il est aussi 100 % renouvelable et favorise les circuits courts.
"Alors que la production de béton ou d’acier produit du dioxyde de carbone, le bois absorbe du CO2 et émet de l’oxygène. Et le risque de déforestation est à ce stade inexistant: une maison en bois peut être construite toutes les 3 secondes sans nuire à la forêt européenne", assure Hugues Frère.
Le facteur prix joue aussi un rôle. Là-dessus, le responsable de l’organisme de la filière bois renvoie la balle au politique. "À l’heure où se multiplient les manifestations réclamant des mesures pour lutter contre le réchauffement climatique, il est temps que les pouvoirs publics se montrent moins frileux en soutenant ce type de construction, soutient Hugues Frère. L’accès à la construction en bois pour de jeunes ménages reste difficile. Les autorités devraient donc réduire la différence de coût en soutenant la construction bois."
L’avenir de la filière de la construction bois passe aussi par la rénovation et l’extension-surélévation (RES) de bâtiments existants. Matériau léger, le bois est tout à fait indiqué lorsqu’il s’agit d’ajouter des étages à des immeubles déjà construits, une tendance qui se renforce en milieu urbain.
Les entreprises devront aussi grandir, pour avoir la taille critique qui leur permettra de s’inscrire dans des projets de plus grande ampleur. Selon l’enquête de Hout Info Bois, les 124 entreprises actives dans la construction bois employaient l’an dernier 1.359 salariés, soit 11 travailleurs par entreprise. C’est un peu maigre…