Un changement de régime est-il possible en Russie?
Si l'invasion de l'Ukraine venait à entraîner un changement de régime en Russie, les scénarios les plus plausibles iraient dans le sens d'une déstabilisation majeure plutôt que d'une démocratisation, selon le German Institute for International and Security Affairs.
En décidant le 24 février dernier d'envahir l'Ukraine, Vladimir Poutine et son entourage ont fait basculer la Russie d’une autocratie dure vers une dictature; Russie qui, ce faisant, se retrouve aujourd'hui au bord de l'abîme. C’est le constat inquiétant que dresse la Stiftung Wissenschaft und Politik (SWP - German Institute for International and Security Affairs) dans sa dernière note d’analyse.
La relation entre l'État russe et la société est de plus en plus de nature totalitaire.
Selon le think tank allemand, spécialisé dans les questions de politique étrangère et de sécurité, tout indique que la relation entre l'État russe et la société est de nature de plus en plus totalitaire. Rien de franchement toutefois étonnant dans la mesure où la censure et la répression de guerre, qui se manifestent aujourd'hui de manière criante, s'appuient en réalité sur une (longue) série de lois votées successivement depuis le début des années 2010.
Scénario de déstabilisation
"La décision de Vladimir Poutine d'entrer en guerre a, en quelque sorte, "absolutisé" la verticalité du pouvoir en Russie. La négation des droits s'est accélérée, la propagande est massive et la suppression des médias indépendants, de l'opposition et de la société civile est générale. Cela ne changera pas tant que Poutine restera au pouvoir», prévient Institut allemand de politique internationale et de sécurité. Mais, à moyen terme, l'immense pression générée par la guerre et les sanctions occidentales pourrait entraîner un changement politique interne, voire la fin du règne de Poutine. Problème: selon Sabine Fischer, qui a conduit l’étude, les scénarios les plus plausibles vont dans le sens d'une déstabilisation plutôt que d'une démocratisation.
De fait, la Russie est aujourd’hui soumise à d'énormes pressions. «Les sanctions occidentales vont plus que probablement faire plonger la Russie dans une profonde récession économique dans les mois à venir. Le niveau de vie, en baisse depuis dix ans, est appelé à se détériorer de façon spectaculaire. Les bénéfices tirés de l'exportation de ses ressources naturelles, dont la redistribution informelle a permis de maintenir les élites russes à bord, vont diminuer de façon spectaculaire. Plus la guerre s'éternisera, plus les familles russes seront nombreuses à pleurer les soldats tombés au combat. Jusqu'à présent, les dirigeants politiques à Moscou ont réussi à déléguer cette épineuse question presque entièrement au niveau des pouvoirs locaux et régionaux. Ces derniers font à leur tour pression sur les familles concernées pour qu'elles s'abstiennent de toute publicité à ce sujet. Il reste à voir combien de temps cela peut fonctionner».
La violence, la répression et la propagande totalitaire sont les seuls outils dont dispose encore le régime russe pour préserver la stabilité.
La même question se pose en ce qui concerne la relation entre l'État, les élites et la société dans son ensemble. La violence, la répression et la propagande totalitaire sont les seuls outils dont dispose encore le régime russe pour préserver la stabilité, observe le SWP qui dit s'attendre à ce que la guerre en Ukraine s'éternise. «La répression va donc s'accentuer. Le mois et demi écoulé a montré que cela peut réussir à court terme. Mais à moyen terme, chaque jour où la guerre se poursuit met le régime russe un peu plus en danger.»
L'optimisme n'est pas de mise
Et si l'invasion de l'Ukraine venait à entraîner un changement politique en Russie quels seraient les scénarios sont possibles? Il y en a trois «dont les plus optimistes ne sont pas les plus vraisemblables».
1. Si le sommet du Kremlin venait à être déstabilisé, la verticalité du pouvoir courrait un grave danger d'effondrement, souligne la chercheuse allemande. Et si le système politique russe implose, il faut s'attendre à une déstabilisation majeure. Le sécessionnisme régional, la violence voire une guerre civile ne sont pas du tout à exclure. Le plus grand risque, dans ce contexte, serait l'avènement d'un règne de terreur que pourrait imposer Ramzan Kadyrov en Tchétchénie.
Le plus grand risque, dans ce contexte, serait l'avènement d'un règne de terreur que pourrait imposer Ramzan Kadyrov en Tchétchénie.
2. La vision du monde de Vladimir Poutine est partagée par une écrasante majorité des élites politiques russes. Une transition politique négociée entre les élites n'offrirait donc que peu de perspectives de changements politiques substantiels, notamment en ce qui concerne la politique étrangère, l'Ukraine et le voisinage russe, observe Sabine Fischer.
3. La transition observée vers une dictature a exacerbé l'atomisation de la société russe. Les structures horizontales au sein de la société russe, des structures nécessaires à la formation de courants alternatifs et à l'acquisition d'une influence politique, n'existent tout simplement plus. Il y a donc peu de chances que la société russe puise jouer un rôle constructif dans un processus de transformation politique — moins encore aujourd’hui que dans l'Union soviétique, c’est tout dire.
Qu’à cela ne tienne, ce n’est certainement pas une raison pour abandonner le régime de sanctions, conclut l'étude. «L'Allemagne et ses partenaires doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour limiter la capacité de la Russie à faire la guerre à l'Ukraine. En même temps, nous devons nous préparer à ce que le changement politique en Russie, lorsqu'il se produira, créera de nouveaux défis majeurs», analyse le SWP. Une façon de s'y préparer serait, selon l’institut allemand, d'offrir un soutien tangible aux politiciens démocrates, aux médias indépendants et aux acteurs de la société civile qui ont quitté le pays, et de les aider à établir des structures d'exil.
Les plus lus
- 1 Grève générale du 20 mai: voici les perturbations à prévoir ce mardi
- 2 Le report de la réforme du chômage sur la table du kern
- 3 Pierre Wunsch (gouverneur de la BNB): "Une baisse du taux de base en dessous de 2% pourrait être nécessaire"
- 4 Le fast-food sain Shape&Go en faillite, son jeune fondateur carolo tire les leçons d'une trop courte aventure
- 5 Qui sont les champions des dividendes à la Bourse de Bruxelles?