Il est essentiel que les entreprises donnent régulièrement un feed-back à leurs travailleurs. À cet effet, de nombreuses boîtes recourent traditionnellement à un entretien d'évaluation. Toutefois, cette approche a été remise en question ces dernières années. La professeure de gestion des ressources humaines Eveline Schollaert (UGent) met actuellement la dernière main à un ouvrage sur ce sujet et nous fait part de ses réflexions.
“Le système traditionnel fait l'objet de nombreuses critiques, même si celles-ci doivent être nuancées”, affirme Eveline Schollaert. “L'idéal, c’est de combiner la vision traditionnelle et une approche novatrice. L'équilibre entre les deux varie d’une entreprise à l’autre. Une organisation très hiérarchisée et une start-up innovante ne sont pas logées à la même enseigne.”
Système traditionnel
Dans son ouvrage, rédigé en collaboration avec une doctorante, Eveline Schollaert souhaite rassembler et traduire dans un langage accessible toutes les informations scientifiques disponibles concernant le feed-back sur le lieu de travail. À cette fin, elle utilise un certain nombre d'ingrédients entrant dans la composition du feed-back. Chaque entreprise peut les utiliser pour concocter son propre “menu de feed-back”.
C’est souvent le comportement passé qui est analysé. Or les études démontrent qu'il est préférable de remettre un feed-back orienté vers l'avenir.
“Le système traditionnel prévoit une évaluation annuelle ou semestrielle comprenant un entretien sur les performances. L'exercice a ses limites, et souvent les retours n'atteignent pas vraiment les travailleurs. De surcroît, il peut être demandé aux managers de classer les membres de leur équipe, ce qui peut susciter une certaine nervosité, y compris chez les managers eux-mêmes. Autre inconvénient de ce système, il empêche de corriger rapidement le tir”, explique Eveline Schollaert. “C’est le comportement passé qui est analysé. Or les études démontrent qu’il est préférable de remettre un feed-back orienté vers l'avenir.”
Formation et soutien du manager
Selon la professeure, rejeter en bloc la méthode d'évaluation traditionnelle ne constitue pas la solution idéale. “Les managers se trouveraient alors désemparés, multipliant les feed-back informels sans jamais avoir de traces écrites justifiant des décisions RH plus drastiques comme un licenciement.”
L'équité procédurale est également importante pour les travailleurs. Afin de justifier une promotion, disposer de certains éléments par écrit se révèle utile. La réflexion est un autre ingrédient qui doit figurer au menu de feed-back. “Donnez aux collaborateurs la possibilité d’analyser eux-mêmes le feed-back et d'en tirer des enseignements”, précise Eveline Schollaert.
Donnez aux collaborateurs la possibilité d’analyser eux-mêmes le feed-back et d'en tirer des enseignements.
Le manager détient un rôle clé. “C'est la personne qui concrétise l’ensemble du process : elle doit être formée et soutenue. C’est également vrai au sein du système d'évaluation classique. Il est très difficile d'attribuer une note objective à une personne. Nous commettons tous des erreurs d’appréciation, mais des techniques peuvent être acquises et mises en œuvre pour que l'évaluation soit la plus objective possible.”
Tous les travailleurs n'ont pas besoin d'une tape dans le dos quotidienne. Les entreprises peuvent adopter des approches variées, sans faire preuve d’une rigidité excessive dans leur évaluation continue, ajoute l'experte.
Un contexte d'apprentissage stimulant
Le meilleur feed-back naît de la combinaison des deux systèmes. Il s’adapte à l'organisation et à la culture d'entreprise. “Il s'agit de créer un contexte stimulant dans lequel les collaborateurs osent demander eux-mêmes un feed-back et se l'attribuer mutuellement.”
Dans un environnement propice à l’apprentissage, les erreurs sont autorisées, alors qu'elles sont généralement sanctionnées en vertu des principes d'évaluation traditionnels. “L'erreur et les enseignements à en tirer doivent être encouragés, sans être prétexte à des contre-performances.”