Le manque de flexibilité et de dynamisme du marché belge du travail n'est plus à démontrer. Robin Beens et Mieke Dijckmans, respectivement Director Staffing & Career Solutions et Business Unit Manager PME chez SD Worx, proposent aux entreprises quelques recettes pour un recrutement plus ciblé et une meilleure rétention des candidats.
Dans quelle mesure cette rigidité du marché du travail est-elle un problème plus important en Belgique que chez nos voisins?
Robin Beens: “Aux Pays-Bas – où le marché du travail est actuellement aussi tendu que dans notre pays –, le taux d'emploi est un peu plus élevé. Il y a également plus de mouvements et de mobilité sur le marché du travail néerlandais. Les employeurs de notre pays peinent davantage à trouver le bon candidat pour le bon poste.”
Comment faire bouger notre marché du travail? Faut-il bousculer le contrat de travail classique? Miser sur des formes d'emploi plus flexibles?
Mieke Dijckmans: “Je conseille aux entreprises de procéder d'abord elles-mêmes à une analyse approfondie des compétences dont elles ont besoin. Sur cette base, elles peuvent envisager la manière la plus efficace de satisfaire ce besoin. Vous en arrivez alors naturellement au modèle Build, Buy, Borrow, dans lequel vous formez et développez vos propres employés, embauchez de nouvelles personnes sous contrat traditionnel et, dans le même temps, faites appel à des employés flexibles en fonction de vos besoins. Au cours d'une procédure de recrutement, vous devriez oser porter un regard critique sur vos propres postes vacants: quelles compétences sont réellement nécessaires, dans quel domaine pourrais-je éventuellement abaisser le seuil? En recrutant de manière plus large, vous avez plus de chances d'attirer des candidats qui conviennent parfaitement au poste mais qui, autrement, seraient réticents à vous rejoindre.”
Il est essentiel de bien identifier les besoins et les points sensibles de votre entreprise. Ensuite, vous devrez y réagir de manière très consciente et stratégique.
On nous annonce depuis plusieurs années que le nombre de freelances sur le marché de l'emploi va croître. Or, cette augmentation reste limitée.
Robin Beens: “Je pense que nous sommes effectivement à un point de basculement mais qu’il se déplace un peu plus lentement que prévu.”
Aujourd’hui, ce sont les travailleurs qui choisissent leur employeur et non l’inverse. L’approche du recrutement passe ainsi d’une logique de sélection à la séduction des candidats.
Mieke Dijckmans: “Le nombre de freelances sur notre marché du travail est en hausse. La Flandre et Bruxelles comptaient 7% de freelances supplémentaires en août dernier par rapport au mois d'août 2021. Cette augmentation se concentre toutefois dans un certain nombre de secteurs. Et parallèlement, nous observons un fossé entre les générations: deux jeunes sur cinq se projettent dans un statut d'indépendant à l'avenir.”
Les employeurs eux-mêmes souhaitent-ils une flexibilité accrue et un plus grand nombre de freelances sur le lieu de travail? Aux postes cruciaux où ils acquièrent une grande expertise, c'est peut-être moins souhaitable?
Mieke Dijckmans: “C'est vrai, d'où l'importance d'une analyse approfondie des besoins de l'entreprise et de la meilleure façon de les satisfaire. Il vaut mieux ne pas concentrer les compétences cruciales dans le volet Borrow.”
Robin Beens: “La politique salariale peut jouer un rôle décisif à cet égard. Les entreprises devraient examiner attentivement les aspects sur lesquels elles veulent se concentrer d'un point de vue stratégique. Force est de constater que ces choix sont encore trop souvent dictés par la nécessité.”
Quels seraient vos principaux conseils pour recruter plus efficacement et lier les gens à l'entreprise mieux et plus longtemps?
Robin Beens: “Il est essentiel de bien identifier les besoins et les points sensibles de votre entreprise. Vous devez ensuite les gérer de manière très consciente et stratégique. Dans quel statut attirons-nous certains profils, quels employés essayons-nous vraiment de faire évoluer, quel salaire fixons-nous pour certaines responsabilités?”
Les entreprises devraient être beaucoup plus proactives. De qui ou de quoi aurai-je besoin dans les six mois à venir, voire l'année prochaine?
Mieke Dijckmans: “L'optimisation de votre recrutement peut avoir un impact positif sur ce point. Aujourd'hui, le recrutement est principalement un processus réactif: il nous manque un profil donc nous nous activons pour le trouver. Les entreprises devraient être beaucoup plus proactives. De qui ou de quoi aurai-je besoin dans les six mois à venir, voire l'année prochaine? Dans ce cadre, il faut remettre en question l'ensemble de la chaîne de recrutement et se concentrer davantage sur la relation avec les employés ainsi qu'avec les candidats. Last but not least, les employeurs devraient se demander plus explicitement quelles valeurs ils défendent eux-mêmes en tant qu'organisation. Les candidats cherchent aussi à donner plus de sens à leur travail.”