Pour bon nombre d’entreprises, permettre à leurs collaborateurs de travailler à l’endroit et aux horaires de leur choix est devenu une réalité. Une telle flexibilité est en outre un atout de taille pour attirer et retenir les talents. Mais jusqu’où cette flexibilité va-t-elle? À qui profite-t-elle? Et qu’autorise la législation du travail?
Au mois de mars, SD Worx a interrogé 1.000 travailleurs belges et 300 employeurs afin de connaître l’importance accordée au travail flexible. Grâce à cette enquête, le prestataire de services RH a pu relever quatre points auxquels les entreprises doivent être attentives. “Pour les travailleurs, le travail flexible signifie qu’ils peuvent décider eux-mêmes où et quand ils travaillent, comment ils organisent leur travail et pour qui ils travaillent”, précise Tamara Troucheau, Legal Consultant chez SD Worx.
La législation du travail et la CCT 85 offrent de très nombreuses possibilités de travailler de manière flexible. Même le nouveau “deal pour l’emploi” adopté par le gouvernement fédéral mise davantage sur la flexibilité. “Le deal pour l’emploi met en avant des sujets intéressants, comme la semaine de quatre jours, les mesures d’aide à la recherche d’un nouvel emploi et le droit à la déconnexion”, note Tamara Troucheau. “Ceci dit, même avant que le deal sur l’emploi ne soit conclu, il était possible – selon le secteur – de mettre en place des horaires de travail flexibles au niveau de l’entreprise.”
Enregistrement du temps
Si l’on en croit l’enquête de SD Worx, le temps de travail flexible constitue, pour 42% des travailleurs belges, l’un des principaux arguments pour choisir un employeur plutôt qu’un autre. Dans la réalité, cependant, seul un travailleur sur trois a la possibilité de déterminer librement ses horaires de travail.
Avant la crise du coronavirus, l’enregistrement du temps de travail était perçu comme une forme de contrôle. Aujourd’hui, il permet d’éviter que des travailleurs ne s’enfoncent dans le rouge.
Revers de la médaille: le temps de travail (trop) flexible a tendance, selon l’enquête, à favoriser la prestation d’heures supplémentaires. En effet, 58% des travailleurs qui fixent librement leurs horaires de travail font des heures supplémentaires. Ce pourcentage chute à 45% pour ceux qui n’ont pas leur mot à dire sur leurs horaires.
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Le bien-être des travailleurs mérite donc que l’on y prête une attention toute particulière, qu’ils travaillent au bureau, à domicile ou dans un bureau satellite. “L’enregistrement du temps de travail peut être une solution”, estime Tamara Troucheau. “Avant la crise du coronavirus, un tel enregistrement du temps de travail était surtout perçu comme une forme de contrôle. Aujourd’hui, il permet de prendre le pouls d’une entreprise et d’éviter que des travailleurs ne s’enfoncent dans le rouge.”
Politique claire
Le télétravail, quoi qu’il en soit, va s’inscrire dans la durée. D’après l’enquête de SD Worx, 31% des travailleurs belges télétravaillent de manière structurelle. Ils sont 69% à y trouver plus d’avantages que d’inconvénients, l’argument avancé dans 8 cas sur 10 étant un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Les télétravailleurs déclarent en outre être plus efficaces dans leurs tâches individuelles.
Après la crise du coronavirus, les travailleurs souhaiteraient continuer à télétravailler jusqu’à deux jours par semaine. “En tant qu’employeur, il convient de définir le contexte et les conditions du travail sans contrainte de lieu ni de temps”, recommande Tamara Troucheau. “Une politique de télétravail claire est indispensable, tout autant que l’annexe obligatoire au contrat de travail en cas de télétravail structurel.”
Reconversion rapide
Le travail flexible, ce n’est pas juste travailler n’importe où et n’importe quand: le travail en lui-même compte tout autant. Et à ce titre, 42% des travailleurs affirment que le contenu de leur fonction a une influence prépondérante sur leur engagement. Les employeurs sont eux aussi conscients de l’importance d’un travail intéressant, ambitieux et qui fait sens. Pourtant, 41% des employeurs belges éprouvent des difficultés à promouvoir ou à replacer leurs collaborateurs dans une autre fonction au sein de l’organisation. Une entreprise sur trois seulement déclare être en mesure de reconvertir son personnel et de l’affecter rapidement à un autre poste dans l’organisation.
Travailler avec du personnel flexible, qu’il s’agisse d’intérimaires, de collaborateurs détachés ou d’indépendants, nécessite une connaissance approfondie de la réglementation.
“La mobilité interne et la reconversion sont des défis de taille”, confirme Tamara Troucheau. “Le deal pour l’emploi prévoit des trajets de transition qui peuvent aider les gens à trouver un nouveau job. L’essor de la digitalisation permet en outre de mieux aligner les cours et formations sur les besoins individuels. Nous constatons que la personnalisation de la relation de travail entre l’employeur et le travailleur est tout à fait cruciale.”
Avis juridique
Un contrat fixe n’est plus la norme depuis un certain temps déjà. Les travailleurs recherchent de plus en plus de flexibilité dans leur relation de travail: un salarié sur quatre envisage de se lancer un jour en tant qu’indépendant, que ce soit à titre complémentaire ou non. Chez les jeunes de moins de 25 ans, ce chiffre atteint presque un sur deux.
“Si vous souhaitez cumuler une fonction de salarié et d’indépendant, vous devez d’abord réfléchir à la manière dont vous organiserez votre emploi du temps et vérifier si votre activité d’indépendant présente des similitudes avec votre poste de salarié”, conseille Tamara Troucheau.
Un encadrement juridique est recommandé aux employeurs qui envisagent de faire appel à de la main-d’œuvre flexible. “Travailler avec du personnel flexible, qu’il s’agisse d’intérimaires, de collaborateurs détachés ou d’indépendants, nécessite une connaissance approfondie de la réglementation”, conclut l’experte. “Songez, par exemple, à l’interdiction de mise à disposition de travailleurs* et au risque d’être considéré comme un faux indépendant.”
* Il est question de mise à disposition de travailleurs lorsqu’un employeur prête ses travailleurs à un tiers qui utilise les services de ces travailleurs et exerce sur ceux-ci (une part de) l’autorité qui est normalement exercée par l’employeur lui-même.