"Les postes vacants sont un frein à l'essor de l'industrie alimentaire"
Jan Vander Stichele, le président de Lotus Bakeries, succède ce mardi à Jean Eylenbosch à la présidence de la Fevia, la fédération de l'industrie alimentaire. Il entend poursuivre le combat de son prédécesseur pour relancer la demande intérieure et résoudre le problème des 1.500 postes vacants qui entrave la croissance des entreprises du secteur.
Passage de témoin ce mardi à la Fevia, la Fédération de l'industrie alimentaire. Jean Eylenbosch a cédé la présidence qu'il assumait depuis trois ans à Jan Vander Stichele, président du conseil d'administration de Lotus Bakeries.
Le nouveau président de la Fevia entend poursuivre les engagements pris durant les trois dernières années, en privilégiant l’action commune. Les priorités sont connues. Il s'agit notamment de convaincre les pouvoirs publics d'alléger le poids de la fiscalité, qui pousse les consommateurs à faire leurs achats hors de nos frontières. Un préalable nécessaire pour une relance de la demande intérieure, selon la Fevia.
Avec le nouveau CEO Bart Buysse, qui a succédé le 1er octobre dernier à Chris Moris, Jan Vander Stichele entend aussi mettre à l'agenda la question des postes vacants, qui freine l'essor des entreprises. Car si le secteur a créé 2.300 emplois entre 2015 et 2017, il bute sur une incapacité à pourvoir quelque 1.500 postes vacants. Et le trou continue de se creuser.
Le secteur alimentaire se porte bien en Belgique. Quels sont les principaux freins à son développement ?
Si les exportations progressent de plus de 5 %, grâce notamment à la marque food.be, une très belle réussite, le marché domestique recule de 2,2 %. Une des raisons majeures, c’est le mille-feuilles de taxes, en particulier sur les boissons, qui incite le citoyen vivant à moins de 50 km de la frontière à aller faire ses courses chez Auchan en France ou chez Albert Heijn aux Pays-Bas. C’est un gros problème : les achats transfrontaliers ont augmenté de 50 % depuis 2008.
La solution, c'est un aménagement du régime fiscal ?
Absolument. Il faut revoir les taxes, et ne pas en rajouter de nouvelles, comme part exemple une consigne sur les canettes. Ça devient ingérable. Nous pouvons être fiers de notre alimentation, de sa qualité, de sa diversité, des innovations qui contribuent à la réputation du marché belge.
N’avez-vous pas le sentiment d’avoir des difficultés à convaincre les pouvoirs publics parce que le secteur se porte bien ?
C’est difficile à dire. J’espère que non en tout cas. Le message est clair : il faut pouvoir montrer aux marchés extérieurs que l’on occupe une position de force sur son propre marché. Multiplier les prélèvements sur le marché local en misant sur le fait que l’on récupérera le manque à gagner sur les marchés extérieurs équivaudrait à tuer dans l’œuf les initiatives.
La situation se dégrade encore sur le marché belge ?
Oui. Et aux 2,2 % de baisse des ventes sur le marché intérieur en 2017 vient s’ajouter la menace de l’e-commerce. Trois pour cent des denrées alimentaires sont achetées en ligne, ce qui se traduit essentiellement par des achats sur des sites étrangers.
L’e-commerce est-il vraiment une menace dans le domaine alimentaire ?
Il faut en tout cas prendre ce phénomène au sérieux. On ne peut pas dire aujourd’hui si cela deviendra une véritable menace pour le secteur, mais combien d’autres ont cru que ce n’était pas une menace avant de devoir y faire face ? Je ne suis donc pas bien placé pour en parler aujourd’hui, mais cette question doit être étudiée sérieusement.
La pénurie de main-d'oeuvre pose elle aussi problème.
Tout à fait. On a toujours cité l’exemple des techniciens, mais il y a aussi une pénurie du côté des opérateurs. Et le problème tend à s'aggraver.
Comment cela s'explique-t-il ?
Il y a clairement un problème de formation des jeunes. Mais je trouve aussi qu’en tant qu’employeurs, nous devons nous montrer davantage, faire valoir nos usines, la qualité de nos produits, pour attirer de la main-d’œuvre. Les jeunes qualifiés ont les yeux rivés sur les entreprises technologiques, mais travailler dans le secteur alimentaire, c’est aussi de la haute technologie. Et nous pouvons former les gens. Là où les pouvoirs publics peuvent nous accompagner, c’est justement en privilégiant les formations pour les métiers en pénurie et l’apprentissage en alternance.
La perspective du Brexit se précise. C'est un souci pour le secteur alimentaire ?
Pour nous, ce n'est clairement pas une bonne nouvelle. Le Royaume Uni représente 10 % de nos exportations et constitue notre quatrième marché extérieur. Et pour les entreprises qui produisent des légumes surgelés, c’est même le premier. Un Brexit sans accord est en tout cas la dernière chose que nous souhaitons. Nous avons tout intérêt à ce que l'on aboutisse à un Brexit bien négocié plutôt qu’un 'no deal', qui serait une catastrophe.
Trouver de nouveaux débouchés sur des marchés plus lointains, ne serait-ce pas une solution ?
Oui, mais le problème, c’est qu’ici toute l’Europe est concernée. Nous avons eu le même genre de difficultés avec l’embargo russe sur les poires belges, et nous avons pu trouver d’autres débouchés. Mais cela ne concernait que nous. Que vont faire les Danois avec leur lard, qui représente 40 % du bacon utilisé par les Anglais pour leur traditionnel "eggs and bacon" ? Ils iront peut-être en Chine, mais tout le monde aura la même idée. Sans compter que des mesures prises au Royaume Uni pourraient également nuire à notre position concurrentielle.
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