chronique

Le plan de relance perpétue les erreurs du plan Marshall

Entrepreneur et auteur

La décision de scinder le projet de centre de recherche et de test en matière d’hydrogène s’inscrit dans la continuité de la logique du plan Marshall pour la Wallonie. Et de toutes ses erreurs.

“La nouvelle usine Filao de Couillet, que nous inaugurons aujourd’hui, va permettre de recycler jusqu’à 40.000 tonnes de plastique par an. L’investissement s’élève à 45 millions d’euros. Avec ce nouvel outil, nous comblons un chaînon manquant de la filière de recyclage des sacs bleus en Belgique”.

L’usine de traitement Filao, ouverte voici quelques semaines dans la région de Charleroi, a bénéficié d’une aide publique wallonne sous la forme d’un prêt public de 10 millions d’euros. Fost Plus, l’organisme privé qui gère le recyclage des emballages ménagers en Belgique, est néanmoins à l’origine de l’appel d’offres. L’initiative ayant amené la construction de cette nouvelle installation est venue de l’industrie. Elle n’a pas été artificiellement décidée verticalement par un pouvoir politique, sur base de l’avis d’une poignée de consultants. 

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Les multiples plans mis en œuvre par les pouvoirs publics wallons ont mis en pratique l’idée que les responsables politiques pouvaient d’eux-mêmes déterminer les filières industrielles qu’il fallait, selon eux, soutenir financièrement.

En Wallonie, ce n’est pas toujours le cas. Loin de là.

L’échec de l’innovation décrétée 

Pour rappel, les multiples plans mis en œuvre par les pouvoirs publics wallons pour redresser la dynamique économique régionale — le  plan Marshall et toutes ses déclinaisons — ont mis en pratique l’idée que les responsables politiques pouvaient d’eux-mêmes déterminer les filières industrielles qu’il fallait, selon eux, soutenir financièrement pour in fine recréer des locomotives de croissance. 

Malgré certaines réussites, cette politique, comme l’a montré l’Iweps (Institut wallon des statistiques) en 2019, a surtout conduit à trente années d’effets d’aubaine. Les pôles de compétitivité — ces groupements mêlant entreprises, de centres de recherche et d’universités réunis autour de juteuses aides publiques régionales destinées à financer des projets d’innovation — piliers de la politique de développement économique wallonne pendant près de deux décennies, n’ont eu aucun effet sur l’amélioration de la productivité des entreprises membres. Le constat est clair.  

Que s’est-il passé? Les financements ont permis de maintenir à flot une quantité de centres de recherche semi-publics qui sans eux n’auraient peut-être pas survécu. Les grandes entreprises ont tiré les marrons du feu. Les PME et startups se sont contentées des miettes. Les filières soutenues ne sont pas devenues plus innovantes. Celles qui l’étaient déjà le sont seulement restées. 

Le vieux mythe de la génération spontanée d’activité industrielle grâce au “flair” politique à la vie dure.

Ce système d’attribution d’argent public au cas par cas, avec des jurys pas toujours très impliqués, a néanmoins permis de maintenir une logique de saupoudrage. Pour certains responsables wallons, ce n’était, semble-t-il, pas le moindre de ses mérites.

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Le plan de relance en remet une couche

A-t-on tiré les leçons de ces échecs? Rien n’est moins sûr. Le vieux mythe de la génération spontanée d’activité industrielle grâce au “flair” politique à la vie dure. 

Ainsi, le secrétaire d’État à la Relance, Thomas Dermine, en a remis une couche, le mois dernier, en annonçant la construction d’un futur “centre de recherche de test” en matière de technologies liées à l’hydrogène

Si le plan de relance fédéral tablait au départ sur un seul centre, comme l’indiquait encore en septembre le site internet du gouvernement fédéral, au final, il y en aura deux. Un flamand et un wallon. Un des centres sera installé à Anvers; l’autre à Charleroi.  

Où est le mal? L’hydrogène n’est-il pas potentiellement une énergie décarbonée d’avenir dans laquelle il est bon de bâtir une expertise? Absolument. La Belgique a d’ailleurs quelques atouts dans sa manche pour devenir, d’ici quelques années, une plaque tournante internationale en matière de stockage et de distribution

La Belgique n’a toutefois pas le monopole de la recherche dans le domaine de l'hydrogène. Tout le monde s’y intéresse. Et les montants engagés restent limités en regard de ceux investis mondialement sur cette technologie. On comprend donc mal la raison d’éparpiller les infrastructures et les moyens entre deux sites plutôt qu’un seul. 

L'implantation hennuyère sur l’ancien site du sidérurgiste Carsid est un bon coup de pouce pour les autorités de Charleroi, qui peinent à remplir leurs anciennes friches industrielles de nouvelles activités.

Le motif invoqué pour justifier la scission des deux sites serait de permettre le contact avec des tissus industriels différents. Très différents, visiblement... y compris sur les mêmes sites. À Charleroi, le groupe verrier AGC se retrouve invité autour du projet hydrogène avec un consortium d’entreprises actives… dans le secteur spatial. 

Cohérence régionale

Plus interpellant, où est la cohérence régionale dans le choix de Charleroi pour cette implantation, alors que le ministre wallon de l’Environnement, Philippe Henry, a annoncé, le même mois, vouloir faire de Liège le «premier hub wallon» en matière d’hydrogène?

Ce qui est sûr, c’est que cette implantation hennuyère sur l’ancien site du sidérurgiste Carsid est un bon coup de pouce pour les autorités de Charleroi, qui peinent à remplir leurs anciennes friches industrielles de nouvelles activités. La triste saga des annonces de réoccupation ratée de l’ex-site de Caterpillar — dossier d’ailleurs confié au secrétaire d’État avant son arrivée au gouvernement fédéral — en est un douloureux rappel.

On n’irait pas imaginer que la décision de scinder le projet de centre de recherche et de test en matière d’hydrogène vise à remplir de bas objectifs de politique locale. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que cette approche de politique industrielle gouvernementale verticale, qui laisse la place à beaucoup de choix pas toujours solidement justifiés, s’inscrit dans la continuité de la logique du plan Marshall pour la Wallonie. Et de toutes ses erreurs.

Jean-Yves Huwart
Entrepreneur et auteur

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