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Quelles perspectives pour le personnel âgé et loyal d'Audi Brussels?

L'entrée de l'usine Audi à Forest est plus souvent fermée qu'ouverte cet été: tout un symbole? ©BELGA

Quelles chances auront les travailleurs d'Audi Brussels de retrouver un emploi si la direction confirme ses intentions? Leur expertise est un atout, pas leur âge...

Si l'on se dirige vers la fermeture de l'usine Audi Bruxelles, la question la plus délicate sera de trouver les bonnes solutions pour les travailleurs âgés. Les plus de 50 ans représentent un peu plus du tiers de l'effectif du constructeur automobile à Forest.

700
travailleurs ex-VW Forest
700 travailleurs chez Audi Brussels faisaient déjà partie du personnel de VW Forest jusqu'en 2006.
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Parlons chiffres. Le site emploie quelque 3.000 personnes, dont près de 600 à temps partiel, ce qui explique la différence avec le décompte en équivalents temps plein (ETP), qui aboutit au total de 2.757 emplois, selon le bilan social publié fin 2023 par la société. Par statut, les ouvriers représentent 2.093 ETP, les employés 626 et la direction 12. Par niveaux d'études, l'entreprise recense 209 universitaires, 242 diplômés du supérieur non universitaire, 1.856 ayant terminé l'enseignement secondaire et 420 l'enseignement primaire.

Les 50+ les plus nombreux

Si l'on examine ce personnel par tranches d'âge, on découvre une population assez âgée: les plus de 50 ans sont 1.015 ETP (860 quinquagénaires et 155 sexagénaires), à comparer avec 550 quadragénaires, 795 trentenaires et 365 jeunes de moins de trente ans. Cela s'explique entre autres par un taux de loyauté du personnel élevé, signe que, jusqu'ici, Audi était considéré comme un bon employeur. Car quelque 700 travailleurs de l'usine y opèrent depuis plus de trente ans.

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C'est beaucoup, cela explique la part élevée des 50+, cela signifie aussi que toutes ces personnes travaillaient déjà pour VW Forest, le prédécesseur d'Audi qui avait décidé de fermer l'usine en 2006. Autre indication d'un taux de rétention élevé: 1.900 travailleurs ont plus de 15 ans d'ancienneté.

Quelque quarante pour cent de ces travailleurs proviennent de la Région flamande et autant de la Région wallonne (surtout le Hainaut, curieusement) tandis que 14% seulement émanent de la Région bruxelloise. Le solde de 6% concerne les personnes avec passeport étranger.

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Indemnités en cascade

Que pourront-ils espérer en cas de licenciement collectif? Une série d'indemnités sont prévues en cascade, certaines strictement définies par la loi, d'autres considérées comme extra-légales, mais consacrées par l'usage.

Ils auront droit à une indemnité de rupture, qui sera établie selon le statut (employé ou ouvrier) et l'ancienneté, avec une durée de préavis que l'employeur ne demande généralement pas de prester. Une partie de celle-ci consistera en une indemnité de reclassement, réservée aux travailleurs occupés depuis au moins un an et déterminée selon leur âge: trois mois de salaire pour les moins de 45 ans, six mois pour les autres.

Ils pourront aussi recevoir une indemnité de fermeture, égale à 198,95 euros par année de travail entamée et doublée pour les travailleurs de plus de 45 ans, avec un plafond fixé à 20 ans d'ancienneté. Ce maximum est actuellement établi à 7.759,05 euros par individu.

S'ajoute à cela l'accès éventuel au régime de chômage avec complément d'entreprise (RCC), une sorte de prépension très encadrée depuis la réforme de 2014. Pour en bénéficier, il faut avoir 60 ans au moment du licenciement et, en cas de restructuration/fermeture comme ici, au moins 20 ans de carrière (sinon cela monte à 35, voire 40 ans de carrière).

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La RCC peu attirante

"Il me paraît très peu probable qu'on change la loi sur le régime de chômage avec complément d'entreprise pour Audi."

Pieter De Koster
Avocat spécialisé en droit du travail au cabinet Bird & Bird

Cette semaine, lors de leur rencontre avec Alexander De Croo et les ministres sortants concernés, des représentants syndicaux des travailleurs d'Audi ont demandé s'il serait envisageable d'abaisser l'âge pour accéder à la RCC afin d'élargir la frange du personnel éligible. Ce qui étonne beaucoup un spécialiste du droit du travail comme l'avocat Pieter De Koster, du cabinet Bird & Bird: "Le gouvernement est lié par la loi, dit-il. Il me paraît donc très peu probable qu'on change celle-ci pour Audi. Mais au-delà de cela, dans les secteurs industriels, les syndicats ne sont habituellement plus demandeurs de RCC pour les travailleurs, parce que ce système est trop restrictif. Il faut notamment rester disponible sur le marché de l'emploi, le cas échéant en subissant des contrôles. Cela n'intéresse plus grand monde."

Intervient ensuite le plan social, c'est-à-dire des mesures consenties par l'employeur au-delà de ses obligations légales, à négocier avec les représentants du personnel. Il peut s'agir de montants financiers, mais aussi de mesures d'accompagnement. "On observe en matière de plans sociaux de grandes différences entre secteurs d'activité, relève Kris De Schutter, avocat du cabinet Loyens & Loeff spécialisé dans les restructurations. Le secteur pharma est, par exemple, plus généreux que la logistique. Les syndicats cherchent à négocier des montants parfois considérables par année d'ancienneté, en plus des indemnités légales. Ce sera par exemple 5.000 euros fixes par travailleur, plus 1.000 euros par année d'ancienneté."

"L'exemple de la faillite du constructeur d'autobus Van Hool l'a montré, poursuit-il: trois mois après la faillite, plus de la moitié de son personnel a retrouvé un emploi."

Pieter De Koster
Avocat spécialisé en droit du travail au cabinet Bird & Bird

Dans le cas d'Audi Brussels, les représentants du personnel devraient négocier "un plan social 2.0", estime Pieter De Koster. "Il faudrait concentrer ce plan social sur des mesures à charge d'Audi pour aider les travailleurs licenciés à trouver au plus vite et au mieux un nouvel emploi. Viser les opportunités sur le marché de l'emploi, avec des investissements dans la formation, la réinsertion, la reconversion et l'outplacement, plutôt que juste demander un package financier."

Une "carte de réactivation", en somme, plus importante à ses yeux qu'un chèque. "L'exemple de la faillite du constructeur d'autobus Van Hool l'a montré, poursuit-il: trois mois après la faillite, plus de la moitié de son personnel a retrouvé un emploi, et beaucoup parmi eux avaient 50 ans et plus, comme chez Audi. Van Hool opérait dans la même industrie, il y a donc des perspectives dans ce secteur, mais il faudrait centrer la négociation du plan social sur celles-ci."

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L'exemple positif de Van Hool

Concrètement, Van Hool employait 2.403 personnes en Belgique avant la restructuration, puis la faillite. 1.240 d'entre eux avaient retrouvé un job début juillet, dont 82% avec un contrat à durée indéterminée. Et près de 50% de ces derniers avaient 50 ans et plus, selon le rapport du VDAB, le service public de l'emploi en Flandre. Il faut préciser que ces chiffres incluent les postes déjà sauvés par les deux repreneurs, les groupes GRW et VDL.

"Chez Van Hool, le budget pour les indemnités de licenciement dépassait les 70 millions d'euros, puis il est apparu que la société n'avait plus assez de cash pour les payer, d'où la faillite."

Kris De Schutter
avocat expert en restructuration au cabinet Loyens & Loeff

De son côté, Kris De Schutter tire un autre enseignement du cas Van Hool: "Chez Van Hool, le budget pour les indemnités négocié dans le cadre des licenciements collectifs dépassait les 70 millions d'euros, puis il est apparu que la société n'avait plus assez de cash pour les payer, d'où la faillite." Et des indemnités passées au bleu... Il en déduit qu'en tout état de cause, il faut rester prudent et veiller à trouver un bon équilibre dans les négociations.

Reste à voir quelles sont les chances de retrouver du travail pour la grande majorité des collaborateurs d'Audi Brussels si l'usine ferme ses portes l'an prochain. Si l'on s'en tient à l'article de la loi, la piste de la RCC ne pourra concerner qu'un peu plus de 150 travailleurs.

Pour Bart Steukers, le CEO de la fédération de l'industrie technologie Agoria, il y aura toujours un avenir pour l'industrie automobile en Belgique. Ce secteur ne se limite pas aux usines Audi Brussels et Volvo Cars Gand, mais compte 450 entreprises et pèse 55.000 emplois, a-t-il rappelé à l'agence Belga.

"Les travailleurs d'Audi ont acquis une expérience et une expertise exceptionnelles dans les voitures électriques, renchérit Pieter De Koster. Moyennant éventuellement une reconversion professionnelle et de la formation, le marché de l'emploi devrait accueillir ces gens à bras ouverts."

La chaîne de montage aspire le plus de postes de travail chez Audi: elle occupe environ 1.150 ouvriers, dont beaucoup ayant acquis de l'expertise, mais âgés - et donc chers. Parmi les jeunes, on compte davantage de personnes effectuant des tâches moins spécialisées, moins chères. Difficile de prévoir s'ils trouveraient aisément un nouvel emploi.

La perspective semble a priori plus souriante pour les techniciens et les finisseurs employés au département carrosserie, parce qu'ils y ont développé des compétences spécifiques dans l'automatisation, la robotisation et les réparations. Du côté des employés, les 450 diplômés du supérieur devraient avoir des arguments.

Le résumé
  • La question la plus délicate dans le cadre de la restructuration d'Audi Brussels sera de trouver les bonnes solutions pour les travailleurs âgés.
  • Les plus de 50 ans représentent un peu plus du tiers de son effectif; parmi eux, 700 collaborateurs travaillaient déjà pour VW Forest.
  • Le régime de chômage avec complément d'entreprise (RCC) ne pourra pas bénéficier à grand monde.
  • Le plan social devrait viser à doper l'employabilité d'un maximum de personnes.
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