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analyse

Quels sont les enjeux des négociations de paix entre le Congo et le Rwanda?

Des soldats du M23 à Goma, dans l'est de la RDC, lors d'un rassemblement public convoqué par le groupe armé, après la prise du chef-lieu du Nord-Kivu. ©AFP

Congolais et Rwandais négocient "au finish" en vue de conclure un pré-accord de paix ce 2 mai. Malgré ces pourparlers, les combats continuent dans l'est de la RDC.

La République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda mènent d'intenses négociations en vue de conclure, ce 2 mai, un pré-accord de paix. Les deux pays d'Afrique centrale ont signé, vendredi dernier à Washington, une "déclaration de principe" pour un accord visant à promouvoir la paix et le développement économique dans la région des Grands Lacs, et à mettre fin à la guerre qui ravage l'est du Congo depuis 30 ans.

Cette avancée a été réalisée grâce à la médiation du Qatar, qui était parvenu à réunir, mi-mars, les présidents de la RDC, Félix Tshisekedi, et du Rwanda, Paul Kagame, là où les initiatives de pays voisins et de l'Europe avaient échoué.

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Depuis lors, le rythme des discussions s'est accéléré. Des représentants américains, congolais, rwandais, togolais et français, se sont réunis mercredi à Doha afin de poursuivre les négociations.

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"Les discussions ont porté sur les efforts pour faire face à la situation dans l'est de la RDC" et "sur la situation humanitaire persistante dans la région, qui continue de nécessiter une réponse urgente", a déclaré le ministère qatari des Affaires étrangères.

"Les États-Unis ont mis la pression sur les négociations au Qatar pour que la RDC et le Rwanda signent un accord."

Koen Vlassenroot
Professeur à l’université de Gand et directeur du Conflict Research Group

Les intérêts de Washington et Doha

Les États-Unis, qui disposent d'une base militaire de 11.000 soldats au Qatar, sont apparus, au fil des discussions, comme des facilitateurs intéressés par des retombées économiques liées à l'exploitation des minerais stratégiques. Le sol de la RDC regorge des minéraux convoités par les géants de la Silicon Valley. Ils sont aussi appelés "minerais de sang" en raison des conflits qu'ils provoquent depuis des décennies.

La stratégie de Donald Trump dans la région ressemble à celle qu'il mène en Ukraine: conclure un accord sur l'exploitation des minerais et damer le pion au concurrent chinois.

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"Les États-Unis ont mis la pression sur les négociations au Qatar pour que la RDC et le Rwanda signent un accord", dit Koen Vlassenroot, professeur à l’université de Gand et directeur du Conflict Research Group. "L'objectif de Washington étant de garantir l'accès à certains minerais, dans l'est de la RDC et au Katanga".

Le Qatar a aussi des intérêts dans la région. L'émirat est partie prenante à 50% dans la construction de l'aéroport de Kigali et s'intéresse, en RDC, à l'extension de Kinshasa.

"J’espère que nous trouverons une solution définitive, car les Congolais ont beaucoup souffert", confie Jean-Charles Okoto, ancien ministre congolais des Affaires étrangères. "Les États-Unis ont réellement apporté une plus-value pour progresser vers la paix", ajoute ce diplomate aguerri, à l'origine des Accords de Cascades conclus à Sun City en 2002, ayant mis fin à la deuxième guerre du Congo.

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Négociations sans le M23

Les négociateurs congolais et rwandais espèrent conclure un avant-projet d'accord de paix pour le 2 mai. Ils négocieront ensuite les détails d'un accord de paix, ce qui pourrait prendre des mois.

Pour la RDC, les négociations doivent aboutir, au minimum, au démantèlement du M23, au renforcement de son contrôle territorial et à la pacification de l'est du Congo.

Pour le Rwanda, il s'agit de garantir la sécurité des Tutsis en RDC, la fin de son isolement international et des sanctions, ainsi que l'éloignement du FDLR, un groupe armé défendant les hutus rwandais réfugiés en RDC.

"Les accords conclus à Washington sont clairs. Le Rwanda va devoir se retirer du territoire de la RDC, et par conséquent le M23 devra, lui aussi, se replier."

Jean-Charles Okoto
Diplomate, ancien ministre congolais des Affaires étrangères

La prudence est de mise

Les négociations avancent, mais la prudence est de mise, car le M23 n'est pas partie aux pourparlers. "Il n'est pas exclu qu'ils parviennent à conclure pour le 2 mai", dit Koen Vlassenroot, "mais l'accord signé à Washington ne concerne que Kinshasa et Kigali, et non le M23. Quelle serait la valeur d'une paix signée sans le M23?", s'interroge-t-il.

Le mouvement rebelle M23, une milice congolaise tutsie, combat les forces armées de la RDC depuis deux ans, déstabilisant l'est du Congo. Depuis le début de l'année, le M23 s'est emparé de Goma et de Bukavu, les deux principales villes du Kivu.

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Des discussions ont eu lieu au Qatar avec le M23, mais elles ont été écourtées. "Le M23 et le Rwanda ne font pas 'un'. Si Kigali signe un accord de paix, ce ne sera pas la fin du M23", avertit Koen Vlassenroot.

Pour Jean-Charles Okoto, le M23 devra suivre le départ des troupes rwandaises. "Les accords conclus à Washington sont clairs. Le Rwanda va devoir se retirer du territoire de la RDC, et par conséquent le M23 devra, lui aussi, se replier. Il n’a aucune influence dans les territoires qu’il occupe, la population restant fidèle à Félix Tshisekedi", dit-il.

La guerre continue

Malgré les pourparlers de paix, la guerre dévastatrice dans l'est du Congo continue. Le M23 poursuit sa marche au sud de Bukavu, en vue de prendre Uvira, une ville frontalière du Burundi.

Le ministre belge des Affaires étrangères Maxime Prévot, en visite en RDC, a réitéré lundi son soutien au président Félix Tshisekedi et son "total désaccord" avec le Rwanda.

Le résumé
  • Les négociateurs congolais et rwandais espèrent conclure un préaccord de paix le 2 mai, sur la base d'une déclaration de principe signée vendredi à Washington sous les auspices des États-Unis et du Qatar.
  • L'accord a été facilité par Washington, qui poursuit le même but qu'en Ukraine: s'assurer le contrôle de minerais stratégiques.
  • Les négociations n'incluent pas toutes les parties en guerre, comme le M23, le principal responsable des hostilités depuis 2021.
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