Le modèle d’exploitation des opérateurs postaux traditionnels est soumis à une forte pression. Pourtant, Dirk Tirez, Chief Executive Officer a.i. de bpost, y voit surtout des opportunités. “En innovant, nous pouvons répondre à ce que nos clients attendent de nous demain et après-demain. C’est aussi ce qui nous permettra de garantir un avenir durable à nos collaborateurs.”
Affirmer que l’année dernière fut un véritable défi pour les 36.000 collaborateurs de bpost est un euphémisme. Comment analysez-vous l’année 2020 marquée par la crise du Covid-19 ?
Partout en Europe, les opérateurs postaux traditionnels ont été confrontés à la baisse des volumes du courrier classique et à une croissance exponentielle de l’activité de distribution de colis liée à la crise du coronavirus. bpost y a réagi avec beaucoup de flexibilité, à la grande satisfaction de ses clients, satisfaction qui n’a d’ailleurs jamais été aussi élevée. Nos collaborateurs méritent d’être loués pour leur engagement dans ces circonstances difficiles. Lorsque la crise du coronavirus sera derrière nous, nous devrons continuer à déployer notre stratégie en matière de commerce en ligne et d’élargissement de nos services.
Qu’est-ce que cela signifie concrètement?
Notre stratégie s’appuie sur quatre piliers. En premier lieu, bien entendu, je citerai le commerce en ligne et les services logistiques, qui sont en forte croissance en Belgique, en Europe et aux États-Unis. Ensuite, nous continuons à garantir un service public à la population : nous voulons incarner un visage humain dans un monde digital. Nous devrons donc aussi conclure de nouveaux contrats de gestion avec le gouvernement. Le troisième pilier comprend la transformation de nos tournées de distribution de courrier afin de parvenir à un écosystème plus large pour la distribution des lettres et des colis. Enfin, nous désirons déployer un large éventail de services de communication hybrides. Nous pourrions devenir un centre de services pour les pouvoirs publics, et peut-être aussi pour les banques. Avec nos 650 bureaux de poste, nous disposons en effet d’un réseau très accessible de points de contact physiques.
La montée en puissance du commerce en ligne et des services logistiques connexes ont fondamentalement changé notre monde et vos activités. Malgré tout, bpost est toujours considérée par le grand public comme une entreprise postale classique. Où situez-vous bpost dans cette transition?
Je pense que 2021 sera une année-charnière : nous voulons passer du statut de société en régression – encore principalement centrée sur les services postaux traditionnels – à celui de société en croissance. Nous devons faire en sorte que nos collaborateurs et nos parties prenantes comprennent que nous sommes résolument tournés vers l’avenir, forts d’une stratégie de croissance en tant que prestataire de services logistiques. Certaines de nos filiales – Radial et Active Ants en tête – prouvent que ce scénario est réaliste, car elles affichent d’impressionnants chiffres de croissance. Hier opérateur postal belge classique, bpost se transformera en un spécialiste de la logistique ayant certes son siège social en Belgique, mais avec de nombreuses activités internationales. N’oubliez pas que nous réalisons déjà actuellement 50% de notre chiffre d’affaires hors de nos frontières ! Mais nous ne voulons pas non plus précipiter les choses. Nous avons une tradition de transformation progressive par le dialogue social. Et ce modèle est au cœur de notre plan de croissance.
“Nous offrons aux entreprises belges et européennes une alternative qui leur permet de mettre en avant leur marque et de conserver leur identité.”
Le commerce en ligne et la logistique sont par définition orientés vers l’international. Cela pourrait-il réduire l’importance de la Belgique ?
Soyons clairs : nous sommes et resterons une entreprise belge, avec notre siège social à Bruxelles. Sur notre marché domestique, le transport sur le dernier kilomètre et la livraison de colis représentent un marché en forte expansion, un secteur où nous voulons absolument nous développer. Nous comptons donc adapter nos tournées à cette réalité. En outre, nous souhaitons que notre réseau dense de bureaux de poste – et les services qui en font partie – contribuent davantage encore à combler le fossé numérique croissant. Les bureaux de poste peuvent donner un visage humain au Nouveau Monde digital des pouvoirs publics et du secteur bancaire. Sur ce plan, nous occupons, je pense, une place unique.
“Les bureaux de poste peuvent devenir le visage humain des pouvoirs publics et des banques dans le Nouveau Monde digital.”
Last but not least, je suis convaincu que nous pouvons aider les entreprises belges à améliorer la logistique de leurs activités de commerce électronique. La Belgique accuse un certain retard dans ce domaine alors que plusieurs de nos filiales disposent d’une grande expertise. Nous pouvons par exemple aider les PME belges à franchir plus rapidement le pas vers le monde numérique. Et pourquoi ne pas les accompagner dans le développement de leurs activités en Europe ou aux États-Unis ? À terme, l’augmentation des exportations crée aussi des emplois dans le pays d’origine.
Quelle est la principale valeur ajoutée de bpost ? Les grands acteurs de la logistique comme bol.com et Amazon offrent aussi ces services…
C’est vrai, mais lorsque nous proposons ces solutions logistiques globales aux sociétés belges, nous nous concentrons sur les entreprises et les marques. Une PME belge peut parfaitement rejoindre une plateforme comme Amazon pour vendre ses produits, mais dans ce cas, elle devra s’adapter au mode de fonctionnement de la plateforme et se retrouvera en concurrence avec d’autres entreprises du monde entier. Nous ne sommes pas une plateforme ; nous offrons donc aux entreprises belges et européennes une alternative qui leur permet de mettre en avant leur marque et de conserver leur identité. Nous ne reprenons que le back-office de leurs activités en ligne. Et nous travaillons sur mesure, très loin du one-size-fits-all des grandes plateformes.
Selon vous, pourquoi est-il indispensable que bpost s’internationalise ?
“Notre entreprise a une tradition de transformation progressive par le dialogue social. Et ce modèle est au cœur de notre plan de croissance.”
Nous sommes une entreprise cotée en bourse et nous voulons croître de manière durable. Dans ce but, nous devons aussi pouvoir lever des fonds sur le marché international des capitaux. Le marché belge est trop petit et, d’évidence, la distribution de colis et la logistique sont un marché international en croissance. Nous devons donc oser porter nos regards par-delà nos frontières pour assurer à bpost et à tous nos collaborateurs un avenir radieux et durable.
Dans quelle mesure l’entreprise peut-elle encore assumer le rôle social qu’elle a toujours joué en Belgique ?
À mon sens, nous pourrons remplir cette mission durable et sociale en signant de nouveaux contrats de gestion avec les pouvoirs publics belges. Ce faisant, nous nous concentrerons entre autres sur notre mission d’entreprise publique – grâce à notre vaste réseau de bureaux physiques – et sur notre rôle de facilitateur dans la transformation digitale. Par ailleurs, nous sommes et nous resterons bien entendu le prestataire du service universel pour la distribution du courrier et des journaux en Belgique.