Le gouvernement durcit la fiscalité sur le travail en équipe
À partir de 2024, les entreprises devront octroyer à leurs travailleurs une prime d’équipe et de nuit de respectivement 2% et 12% pour bénéficier du régime fiscal favorable sur le précompte professionnel.
Le Premier ministre Alexander De Croo tente, cette semaine, de faire atterrir le mini "tax shift" que le ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V) a eu pour mission d’élaborer lors des discussions budgétaires du mois d’octobre dernier.
La répartition de la réduction de la cotisation spéciale de sécurité sociale fait encore l’objet de calculs. Quant aux discussions sur les sources de financement de cette mesure – 120 millions d’euros d’accises supplémentaires sur le tabac, 30 millions pour la "taxe avion" et 75 millions du côté du précompte professionnel – elles sont en voie de finalisation.
Notre rédaction a pu mettre la main sur la dernière version du projet de loi, qui ne devrait plus changer fondamentalement.
Manque à gagner fiscal considérable
L’objectif est d’éliminer les abus relatifs à l’exonération du versement du précompte professionnel. Cette volonté de réforme a suscité un grand émoi auprès de nombreux secteurs au cours des derniers mois.
Et pour cause: en une vingtaine d’années, ce système est devenu l’un des principaux régimes fiscaux favorables pour les entreprises. Il avait été mis en place au début des années 2000 pour atténuer le handicap salarial, notamment dans le secteur de l’assemblage automobile. En 2005, il coûtait encore près de 200 millions d’euros aux caisses de l’État.
Aujourd’hui, les dix types d’exonérations – pour les heures supplémentaires, le travail de nuit et en équipe, la recherche et développement, etc. – sont utilisés par plus de 136.000 entreprises, ce qui représente un manque à gagner fiscal de 3 milliards d’euros.
Dans un rapport sorti en 2019, la Cour des comptes avait estimé que l’État avait perdu le contrôle d’un système devenu trop complexe: il n’est plus utilisé correctement, ce qui génère de nombreux litiges avec le fisc.
Une façon de corriger un constat: certaines entreprises qui recourent à ce type de travail paient, en effet, le salaire minimum.
Vincent Van Peteghem était chargé de le réformer dans un cadre assez strict: maintien des pourcentages d’exonération et des groupes cibles initiaux. Le projet de loi a ainsi durci de nombreuses règles du système, sans remettre en cause son fondement.
Primes revues à la baisse
Les entreprises qui veulent bénéficier de l’exonération fiscale pour le travail de nuit et en équipe – le principal de poste de coût pour l’État, soit 1,3 milliard d’euros – devront payer une prime à leur personnel respectivement de 2% (travail en équipe) et de 12% (travail de nuit). Une façon de corriger un constat: certaines entreprises qui recourent à ce type de travail paient, en effet, le salaire minimum. La prime doit être prévue dans une convention collective de travail (CCT), un règlement de travail ou un contrat de travail.
Après intervention des fédérations d’employeurs, les pourcentages des primes ont été sensiblement revus à la baisse: Van Peteghem envisageait initialement des taux de 7 et 18%.
La fameuse règle du 1/3 a également été durcie. Actuellement, le salaire du salarié qui ne travaille en équipe que pour 1/3 de son temps bénéficie du régime fiscal favorable dans la même mesure qu’un salarié qui y est employé à 100%. Cette norme très souple est maintenue, mais le cumul du travail en équipe et de nuit n’est plus autorisé pour arriver à ce minimum de 1/3. Un régime transitoire est prévu jusqu’au 1er janvier 2024.
De manière générale, le projet de loi supprime la possibilité de relever artificiellement le précompte professionnel pour obtenir une plus grande exonération. La base de l’exonération est donc limitée au précompte professionnel qui doit être légalement retenu sur le salaire. Pour ne pas désavantager le secteur du travail intérimaire, où la base légale est plus basse, la situation actuelle sera régularisée.
L'intérim dans le viseur
C’est d’ailleurs dans ce secteur que la Cour des comptes avait pointé de nombreux problèmes. À partir du mois d’octobre, les agences intérim ne pourront plus bénéficier d’exonération si leur client n’en a pas été informé au préalable.
Le cumul de l’exonération pour recherche scientifique et du crédit d’impôt existant pour R&D sera limité.
Autre mesure importante: le cumul de l’exonération pour la recherche scientifique et du crédit d’impôt existant pour R&D sera limité. Le projet vise aussi les entreprises de dragage: l’avantage ne sera plus applicable aux salariés étrangers.
Pour renforcer l’action du fisc en la matière, les délais seront adaptés: il sera d'un an pour la déclaration, de trois ans pour l’imposition et de quatre ans pour le recouvrement. Le fisc doit pouvoir accéder plus facilement aux informations pour effectuer des contrôles ciblés.
La réforme du système est extrêmement sensible. Aucune fédération patronale n’a voulu réagir à nos informations. Le cabinet de Van Peteghem communiquera sur le sujet qu’après l’approbation du projet.
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