Philippe Gijsels (BNP Paribas Fortis): "Nous allons passer des chocs pétroliers aux chocs des métaux"
Le stratégiste en chef de la plus grande banque du pays en est convaincu: l'électrification de l'économie va se traduire par une demande décuplée pour les métaux dans les prochaines années. Avec "d'énormes opportunités d'investissement" à la clé.
"Nous sommes de retour dans les années 60-70." Alors que la poussée inflationniste se calme progressivement aux États-Unis et en Europe, Philippe Gijsels, stratégiste en chef chez BNP Paribas Fortis, ose l'amalgame avec la situation connue il y a cinquante ans à l'occasion de la présentation des perspectives financières de la première banque du pays pour le second semestre, et estime qu'il est fort probable que l'inflation revienne à l'avenir sous forme de vagues successives, et qu'elle reste durablement située entre 2 et 4%.
Pourquoi une telle prédiction? Vieillissement de la population, changement climatique, "slowbalisation" (ralentissement de la mondialisation)... tout le pousse à croire que la période de très faible hausse des prix des dernières décennies est révolue, même si l'inflation, qui a déjà dépassé son pic, devrait d'abord connaître un creux d'ici à la fin de l'année.
C'est toutefois un autre facteur encore plus déterminant qui pousse Philippe Gijsels à la comparaison avec les seventies. "Dans les années 1960 et 1970, nous avons été confrontés aux chocs pétroliers. Au cours des années à venir, nous subirons des chocs liés aux métaux qui relanceront l'inflation."
"On ne pourra pas dire qu'on ne l'avait pas vu venir"
À la source de ces futurs chocs potentiels sur les prix des matières premières, l'électrification de l'automobile (et de l'économie de manière générale) devrait créer un "mur de la demande" pour de nombreux types de métaux. Cuivre, aluminium, lithium, acier, nickel, cobalt, terres rares, tous devraient être de plus en plus recherchés au cours des prochaines années, avec un pic potentiel à l'horizon 2040. Et si certaines innovations techniques pourraient réduire la nécessité de certains d'entre eux, "le cuivre restera toujours le métal nécessaire pour conduire l'électricité", rappelle par exemple Philippe Gijsels.
Problème: si la demande devrait d'abord faiblir à cause de la récession économique, l'offre est insuffisante à plus long terme. Le résultat d'un sous-investissement chronique à l'échelle mondiale de la part des producteurs de matières premières. D'après les données de Bloomberg relevées par BNP Paribas Fortis, les dépenses d'investissement de ces derniers se situent actuellement à leur plus bas niveau en l'espace de 19 ans, et il sera difficile de rattraper rapidement le coup.
"Lors du premier choc pétrolier en 1973, le prix du baril du pétrole était passé de 3 à 30 dollars, alors pourquoi le prix du cuivre ne pourrait-il pas au moins doubler?"
"On ne pourra pas dire que l'on n'avait pas vu venir cette augmentation de la demande", affirme le stratégiste, qui voit apparaître "d'énormes opportunités d'investissement" dans le secteur. Il évite encore de se positionner plus précisément, mais reste convaincu que "les prix vont monter", et rappelle pour cela que "lors du premier choc pétrolier en 1973, le prix du baril du pétrole était passé de 3 à 30 dollars, alors pourquoi le prix du cuivre ne pourrait-il pas au moins doubler?"
Prudence sur les marchés d'actions
À court terme et de manière plus générale, les équipes de BNP Paribas Fortis sont toutefois neutres à l'égard des marchés d'actions, "à cause du secteur bancaire américain qui fait face à une crise de liquidités et de la récession imminente dans ce pays". Il n'est selon eux pas exclu que certaines banques américaines se retrouvent encore en difficulté dans les prochains mois, même si le problème pourrait maintenant plutôt se situer du côté de leur portefeuille de crédits, dans le cas de défauts de la part de certains emprunteurs.
Car du côté des taux, le pic a déjà été atteint, selon Philippe Gijsels, qui est donc proche de l'optimisme pour les actions. Il ne prévoit d'ailleurs pas une pause dans la hausse des taux directeurs, mais bien la fin tout court des relèvements lors de la prochaine réunion de la Réserve fédérale américaine. Ce qui devrait être une bonne nouvelle pour les actions comme pour les obligations, dont les taux baisseront et feront remonter leur valeur de marché. BNP Paribas Fortis observe d'ailleurs une forte demande pour les obligations à l'heure actuelle au sein de sa clientèle.
Philippe Gijsels ne prévoit pas une pause dans la hausse des taux directeurs, mais bien la fin tout court des relèvements lors de la prochaine réunion de la Réserve fédérale américaine.
"Les marchés sont beaucoup plus corrélés avec les taux qu'avec le cycle économique"
Cette baisse des taux est également ce sur quoi tablent les marchés boursiers, dont les indices affichent tous des hausses plus ou moins fortes depuis le début de l'année. Le stratégiste rappelle à ce sujet "qu'il ne faut jamais oublier que les marchés sont beaucoup plus corrélés avec les taux qu'avec le cycle économique", raison pour laquelle il estime probable de voir les indices boursiers terminer l'année sur des niveaux supérieurs à ceux observés en ce moment.
Mais le rebond actuel reste lié à l'importante surperformance de quelques grands noms comme les "magnificent seven" de la Big Tech à Wall Street, qui surfent en grande partie sur la vague de l'IA. Le stratégiste aimerait donc d'abord voir un élargissement du rallye des actions à d'autres secteurs que ceux liés à l'intelligence artificielle, qu'il ne voit néanmoins pas comme une bulle, puisque selon lui, ce sont l'IA et les métaux qui devraient se disputer le titre de "thème d'investissement de la décennie".
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