L'ancienneté, cet alibi

Editorialiste

Les 55 +, moins chers en Belgique qu’ailleurs

Plan de départs anticipés. En Belgique, quand une entreprise lance une restructuration, c’est bien souvent ce levier-là qu’elle active. L’argumentaire est rôdé, on se le passe d’une firme à l’autre, d’un secteur à l’autre: le travailleur de 55 est dépassé par la technologie qui change plus vite que lui, il aspire à autre chose et, en plus, il coûte trop cher. La faute à la rémunération à l’ancienneté, qui alourdit le payroll automatiquement, avec les années qui passent.

Il y a bien mieux à faire que d’aligner les plans de départs anticipés, synonymes d’absurdité.

Refrain connu. Et pourtant, il ne tient pas la route. Si les salaires progressent avec l’ancienneté en Belgique, c’est vrai en début de carrière, beaucoup moins par la suite. La courbe s’arrondit chez nous après 15 ans de métier, alors que les salaires continuent à progresser nettement tout au long de la carrière dans les pays qui nous entourent, comme le souligne une étude d’Eurofound. Et pourtant, les 55-64 ans sont nettement plus nombreux au travail aux Pays-Bas (deux sur trois) ou en Allemagne (sept sur dix) que chez nous (à peine un sur deux). Cherchez l’erreur.

Le coût du senior n’est donc pas l’argument massue justifiant les mises en prépension si prisées par nos entreprises. C’est un mythe, dit la KULeuven qui s’est penchée sur la question. Un mythe ou plutôt, un alibi.

Car au fond, balancer les aînés en prétendant qu’ils sont trop chers, incapables de s’adapter ou fatigués, c’est plus facile que de revoir la façon dont on mène les carrières jusqu’à leur terme. Adapter le rythme de travail au fil du temps, organiser le transfert de connaissances et d’expérience, c’est autrement plus compliqué que de signer un chèque de sortie.

"On t’aimait bien tu sais, mais bon, essaie de comprendre…" On peut continuer encore longtemps à accompagner sur ce mode les aînés vers la sortie. Mais on peut aussi choisir de passer à autre chose. Dans un pays à la démographie vieillissante, dans une économie où tout repose sur la connaissance, il y a bien mieux à faire que d’aligner les plans de départs anticipés, synonymes d’absurdité.

Messages sponsorisés