Il est permis de scinder un compte-titres pour répartir les risques
La disposition anti-abus de la taxe sur les comptes-titres pourrait entraîner des discussions interminables entre les contribuables, les banques et l’administration fiscale.
Le gouvernement fédéral a définitivement approuvé la taxe sur les comptes-titres. Il a adapté le texte de la loi et l’Exposé des motifs pour tenir compte de l’avis du Conseil d’Etat. La disposition anti-abus a été adaptée et la justification du seuil de 1 million d’euros a été davantage étayée.
Le gouvernement vise les comptes-titres d’une valeur supérieure à 1 million d’euros. La disposition anti-abus stipule que la scission d’un compte-titres en plusieurs comptes auprès d’une même banque peut être considérée comme une tentative d’éluder la taxe si elle a eu lieu à partir du 30 octobre 2020. Il en va de même pour la conversion d’instruments financiers détenus sur un compte-titres en titres nominatifs.
"Il s’agit d’une approche kafkaïenne de dispositions anti-abus particulièrement complexes."
En cas de scission d’un compte sur plusieurs banques, le contribuable ou la banque devra démontrer que cette scission n’a pas pour objectif d’éluder l’impôt. "Si un contribuable détient des comptes auprès de plusieurs institutions financières, une répartition des risques sérieuse et avérée pourrait être un motif non fiscal acceptable", peut-on lire dans l’Exposé des motifs. Cette disposition pourrait générer de difficiles discussions entre les contribuables, les banques et l’administration fiscale.
Par ailleurs, la disposition anti-abus a encore été élargie. Imaginons qu’un contribuable détienne des actions cotées sur un compte d’une valeur de 1,5 million d’euros. S’il achète d’autres actions et choisit des actions nominatives, la disposition anti-abus s’appliquera. Idem si le même investisseur place ses nouvelles actions sur un nouveau compte pour éviter que la valeur de son premier compte n’augmente.
Fiscalité ténébreuse
"Il s’agit d’une approche kafkaïenne de dispositions anti-abus particulièrement complexes", estime Gerd Goyvaerts, avocat fiscaliste chez Tiberghien, qui parle de "fiscalité ténébreuse".
"Nous n’avons pas l’intention de mettre des bâtons dans les roues, mais la taxe doit être applicable dans la pratique."
Goyvaerts estime problématique que les banques doivent appliquer la disposition anti-abus. "On demande aux banques de lire dans la tête des contribuables pour savoir s’ils ont l’intention de frauder."
C’est pourquoi le secteur bancaire se montre inquiet. "Il n’est pas impossible que nous soyons en permanence confrontés à des difficultés plus ou moins insurmontables", a déclaré Karel Baert, le patron de Febelfin, la fédération des banques, dans une note interne. "En particulier, les dispositions anti-abus des intermédiaires financiers restent nébuleuses et potentiellement inacceptables."
Dans une discussion avec la rédaction, Baert se montre plus mesuré: "Nous n’avons pas l’intention de mettre des bâtons dans les roues, mais la taxe doit être applicable dans la pratique."
Produits d’assurance
Par ailleurs, le texte explique plus clairement que les riches investisseurs ne disposent guère d’alternatives. Les ménages qui disposent de plus de 1 million d’euros de produits d’investissement sur un compte-titres traditionnel investissent en moyenne 96,8% de leur patrimoine financier dans ce type de produits. Les autres familles n’investissent que 47,3% de leurs avoirs financiers dans des produits taxables.
En attendant, il reste quelques zones d’ombre quant à l’application de la nouvelle taxe sur les assurances-placements. Les produits Branche 23 sont taxables, peut-on lire dans les explications de la loi. "Le traitement fiscal varie en fonction de la structure du produit Branche 23", souligne Dirk Coveliers, avocat fiscaliste chez Tiberghien. "De nombreux produits Branche 23 ne sont pas détenus sur un compte-titres."
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