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Un outil de détection de l'addiction au jeu "made in Belgium"

À la Clinique du jeu, on recrée un environnement de casino en trois dimensions pour mieux comprendre le mécanisme poussant le joueur à surjouer. ©Karoly Effenberger

L'homme est joueur par nature, mais certaines personnes le sont plus que d'autres. Un opérateur belge met au point une machine à détecter le risque d'addiction.

Dans les coulisses du siège de Gaming1, à Liège, on bosse ferme sur un outil de détection des comportements addictifs. C'est sans doute une des dimensions du groupe de jeux de hasard belge qui aura séduit le fonds d'investissement CVC, qui a pris récemment 50% plus une action de son capital.

Gaming1 a développé une force de frappe importante dans le développement des plateformes de jeux en ligne et, plus largement, dans les technologies de l'information au sens large. Et dans ce cadre, il met au point les derniers détails d'une machine anti-addiction aux jeux. L'opérateur américain Delaware North, qui a conclu voici quelques mois un accord de collaboration avec Gaming1 aux États-Unis, y aura aussi été sensible.

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"Nous développons actuellement à Liège un programme d’intelligence artificielle qui sera un outil de détection d’addiction, et que l'on associera à des outils d’autocontrôle."

Emmanuel Mewissen
CEO de Gaming1

"Nous sommes habitués à évoluer dans un environnement nettement plus responsable et régulé que les Américains concernant le jeu responsable, explique Emmanuel Mewissen, le CEO de Gaming1. Nous développons actuellement à Liège un programme d’intelligence artificielle qui sera un outil de détection d’addiction, et que l'on associera à des outils d’autocontrôle."

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Un pourcent, mais des milliers de citoyens

"L’addiction au jeu est un enjeu de santé publique, mais 99% des gens pratiquent le jeu à titre récréatif", poursuit-il. "Le plaisir est une des cinq valeurs de notre entreprise et est aussi valable pour nos clients. Quand un client sombre dans des troubles liés à l'addiction, il n’y a plus de plaisir: cela n'a plus rien à voir avec nos valeurs et notre mission, qui est de promouvoir le jeu responsable."

Le problème serait plus large, selon d'autres sources: le système EPIS recense 360.000 personnes exclues des jeux de hasard, mais un dixième d'entre elles seulement résulte de demandes volontaires d'exclusion (de leur part, d'un proche ou d'un administrateur). Les autres relèvent de diverses catégories, dont des professions interdites par déontologie, des problèmes de dettes non reliées au jeu, etc. Autre mesure de l'enjeu: la Clinique du jeu, qui soigne cette addiction au centre hospitalier Brugmann, traite 300 à 400 patients par an...

Détecter tous les comportements en ligne

Bref, on s'accorde sur l'existence du problème, moins sur son ampleur. Mais peu importe à ce stade... L'outil en chantier chez Gaming1 "permet de détecter tous les comportements en ligne, complète le dirigeant: la vitesse avec laquelle le joueur clique, combien de fois il supprime son retrait d’argent (ses bénéfices, qu’il annule pour rejouer ces montants), le nombre de fois et le temps qu’il se connecte, le temps qu’il joue, le dépôt qu’il fait… En encodant toutes ces données, on peut aller jusqu’à anticiper un comportement susceptible de devenir problématique."

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"Grâce au digital, au traçage des données et à un programme intelligent de coopération avec le joueur, il y a moyen d'installer un climat de confiance et d'accompagner celui-ci."

Emmanuel Mewissen
CEO de Gaming1

Une fois au point, l'opérateur pourra lier ce dispositif à des outils de jeu responsable qui permettront d'interagir en commençant par alerter le joueur. Ce sera, par exemple, un pop-up lui enjoignant de visionner une vidéo, de répondre à un questionnaire, puis un rappel lui indiquant qu'il peut se fixer lui-même des limites ou se faire interdire de jeu pendant un certain temps, puis une invitation à un entretien avec un expert, etc.

"Grâce au digital, au traçage des données et à un programme intelligent de coopération avec le joueur, il y a moyen d'installer un climat de confiance et d'accompagner celui-ci", conclut Emmanuel Mewissen qui ajoute qu'il faut tout de même une volonté de coopération de sa part pour que le système fonctionne.

Devoir d'encadrement

Pour le professeur Xavier Noël, docteur en psychologie spécialisé dans les addictions, "ce type d’initiative est très innovant et potentiellement très utile pour contenir le risque addictif. L’initiative rencontre également la notion de devoir d’encadrement." Le professeur rédige actuellement une thèse de doctorat sur ce thème. Précisons qu'il conseille aussi Gaming1 en cette matière. 

Si le groupe liégeois a lancé cette recherche originale dans ses murs, c'est aussi par anticipation par rapport à l'évolution du cadre régulateur en Belgique et en Europe. Aux Pays-Bas, la loi oblige les opérateurs de jeux de hasard à dialoguer avec les joueurs présentant des signaux d'addiction. Elle leur prescrit un "devoir d'encadrement".

Chez nous, la députée CD&V Els Van Hoof a repris l'idée dans une proposition de loi déposée en janvier 2020. Elle l'a insérée depuis dans un ensemble de textes plus large, actuellement à l'examen en commission Justice à la Chambre après avoir fait l'objet d'un accord entre groupes politiques.

À ses yeux, les opérateurs ont "le devoir d'informer leurs clients, de détecter les comportements de jeu problématiques, d'exclure les joueurs à risque et de les orienter vers une assistance indépendante s'ils détectent des comportements de jeu problématiques. Concrètement, (...) cela peut se faire via des notifications, e-mail, chat ou contacts personnels." Elle ajoute que les exploitants de jeux seront aussi tenus d'informer la Commission des jeux de hasard (le régulateur) des mesures prises.

"Les 'market places' utilisent les mêmes mécanismes que les casinos ou les machines à sous."

Emmanuel Mewissen
CEO de Gaming1

Voir plus large

"Ce système est selon moi la bonne réponse à apporter aux défis que soulève le digital au secteur, conclut Emmanuel Mewissen. La mauvaise réponse serait d'interdire. Car il n'y a plus de frontières dans le monde en ligne: l'interdiction ne protège donc plus personne."

Fort en anticipation, l'entrepreneur songe déjà à la suite. Son outil de détection pourrait aussi aider les consommateurs sur les grandes plateformes d'achat en ligne et les réseaux sociaux, dit-il. "Car les 'market places' utilisent les mêmes mécanismes que les casinos ou les machines à sous." En poussant à la conso jusqu'à risquer de créer l'addiction. Cqfd?

Le résumé
  • Chez Gaming1, à Liège, on développe un outil original de détection des comportements addictifs au jeu.
  • Le fonds d'investissement CVC et l'opérateur américain Delaware North y auront vraisemblablement été sensibles au moment de conclure des collaborations avec le groupe belge.
  • Le projet s'inscrit dans la lignée de textes de loi en discussion à la Chambre, dont la proposition de loi d'Els Van Hoof (CD&V) sur le devoir d'encadrement des opérateurs.
  • À terme, le même outil pourrait servir sur un plus large front, la modération des comportements d'achat sur les grandes plateformes de produits en ligne.

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